Ce matin, une pluie tristounette rend plus mélancolique encore un ciel déprimé. La nature fait le gros dos, courbe l'échine sous le poids des gouttes trop lourdes. Fatiguées d'avoir attendu, elles se laissent tomber pesamment en giflant quelques fleurettes attardées. La campagne pleure un été mourant. L'eau dessine des rigoles étranges sur les vitres, brouillant, faisant danser le jardin engourdi.
La légèreté, l'insouciance des beaux jours s'en sont allées L'alouette ne chante plus, finies les roucoulades des tourterelles, les stridulations des grillons. Octobre leur a cloué le bec faisant place au bruit sourd de la chute des châtaignes, aux cliquetis des sécateurs des vendangeurs. Il ne reste qu'à écrire les souvenirs de soleil, à regarder pleurer les arbres du jardin tels de grands enfants pris en faute par un vent de mauvaise humeur : de douce brise rafraichissante, parlant vacances et farniente à de jolies peaux bronzées, le voici obligé à présent de secouer branches et feuillages d'ambre, de chasser vers l'hibernation quelques bêtes glapissant de peur de rater le grand sommeil.
Je détache mon regard de la fenêtre, referme mon gilet afin de chasser un frisson envahissant. A l'intérieur, le feu crépite, réchauffe les doigts gourds. L'odeur du bois brulé se mêle à celle des châtaignes grillées alors que le cidre pétille dans les verres. Sur son coussin, le chat s'est endormi en ronronnant. Je remonte le plaid sur mes genoux et me laisse glisser dans la langueur automnale. On se prépare paisiblement aux douces veillées hivernales où on évoquera le passé, où on finira le châle commencé l'an dernier. Le jardinier met en place les bulbes de tulipes, jacinthes et autres, range les outils soigneusement nettoyés avant que l'hiver ne rugisse et ne l'empêche de sortir, mais il sourit déjà de plaisir en pensant à l'explosion de couleurs qu'il a préparée comme une longue lettre d'amour à la nature, curieux de voir comment elle lui répondra.
Un parfum d'humus parcourt la campagne. Il est temps de rentrer les pots de fleurs, le salon de jardin, il est temps de fermer les volets le soir. Il est temps de prendre le temps.