Dimanche- 8 heures du matin.
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1 Corinthiens- 13:11
" Lorsque j'étais un tout petit, je parlais comme un tout petit, je pensais comme un tout petit, je résonnais comme un tout petit, mais maintenant que je suis devenu grand, j'ai aboli le tout petit. "
- Chanone! S'il te plait, aide tes petites sœurs à s'habiller pendant que je m'occupe du bébé.
Pierre quatre mois, réclame à tue-tête son lait chaud qui tarde à arriver.
Justement Romane remonte vivement l'escalier tenant dans une main le biberon pour son fils.
Les quatre chambres et les deux salles de bain sont à l'étage.
La jeune femme prend doucement le nourrisson dans ses bras et s'installe sur la méridienne, contre les coussins de velours bleu. Elle tient tendrement contre son cœur ce petit être fragile et tellement précieux.
Elle lui sourit et dépose un doux baiser sur sa tête.
- Je veux pas mettre la robe blanche! Je veux la verte!
- Moi aussi!
Les jumelles, Anaïs et Lucie trois ans, courent dans leur chambre en sous vêtements.
Chanone douze ans, en saisi une par le bras et l'entraine dans la salle de bain attenante à la pièce. Automatiquement la seconde les suit, l'aînée en profite pour fermer la porte au verrou, hors de leur portée.
- Alors maintenant vous arrêtez de ronchonner et vous vous lavez les dents! Et lorsque vous serez habillées, je vous coifferai.
- Non!
- Non!
- Si vous ne voulez pas m'obéir, je ne continuerais pas la lecture de l'histoire enchantée du petit chat gris.
- Ho oui!
- His-toire! His-toire!
- D'accord, alors vite aux lavabos qu'on en finisse avec la toilette.
Pas toujours facile d'être l'aînée, mais Chanone est une fillette exceptionnelle. Patiente et énergique. Une petite maman de remplacement.
Ses parents qui ont une grande confiance en elle, l'ont tout de suite responsabilisé en lui délégant quelques fois de donner les bains et les repas, et surtout de surveiller les jumelles.
Chanone comprend que sa maman est très fatiguée depuis la naissance de Pierre.
Elle se rend bien compte de l'absence de son papa trop accaparé par son travail ministériel.
Elle ne se plaint jamais. Sérieuse et appliquée elle se charge volontiers de ces charges accaparantes.
Dimanche- 11 heures du matin.
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Colossiens- 3:20-21
" Enfants, obéissez en tout à vos parents, car cela est agréable dans le Seigneur.
Pères (mères), n'exaspérez pas vos enfants, de peur qu'ils ne se découragent. "
Chanone entre dans la cuisine où sa mère prépare le déjeuner. La fillette s'assoie sur un tabouret juste en face d'elle.
- Maman---crois-tu vraiment qu'Anaïs et Lucie, doivent nous suivre---à la Salle?
Et si Pierre fait une colère, il va déranger tout le monde.
Je peux les garder à la maison---si tu veux?
Romane continue d'éplucher les légumes, s'interrompre un instant pour vérifier la cuisson du rôti et revient se placer devant sa fille.
Un couteau dans une main et une pomme de terre dans l'autre main.
- Ma chérie, je t'ai déjà expliqué que nous devons rester ensemble, uni dans cette épreuve. Nous devons montrer l'exemple à toutes ces familles qui ont confiance en ton père.
- Les enfants sont si---jeunes.
Romane se penche, tend un bras, caresse la joue de sa fille et lui murmure doucement.
- N'ai pas peur, Dieu est avec nous.
Les yeux de Chanone se remplissent de larmes, de tristesse, d'impuissance.
Dimanche- 14 heures.
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Mathieu- 10:21
" D'autre part, le frère livrera son frère à la mort, et le père son enfant, et les enfants se dresseront contre les parents et les feront mourir. "---les laisseront mourir.
- Anaïs! Lucie!
J'entends la voiture de papa, venez vite mettre vos chaussures!
Les fillettes qui jouaient dans leur chambre, se précipitent dans l'escalier et descendent en se tenant à la rampe.
Chanone les suit en portant Pierre qui la regarde en gazouillant.
A peine la porte d'entrée s'ouvre que les jumelles se jettent contre leur père en s'exclamant.
- On va promener!
- On va jouer avec les copines!
Thomas se baisse à leur hauteur, les prend toutes les deux dans ses bras et en riant les embrasse.
- Aujourd'hui c'est la fête! C'est le plus beau jour de notre vie!
N'oubliez pas vos pochettes et en voiture.
Les enfants ramassent leurs petits sacs en cuir et les portent en bandoulière sur le devant.
Un bien lourd bagage, indispensable, le riche enseignement salvateur : la Bible.
Thomas est prédicateur, comme son épouse et les cinq cent personnes qui se réunissent en ce jour béni, au théâtre Fouket, pour une assemblée exceptionnelle.
La voiture quitte le lotissement de pavillons bordé d'arbres et de pelouses soigneusement entretenues.
Après avoir traversé la ville, Thomas se gare enfin sur le parking du théâtre déjà au trois quarts rempli.
Romane porte le siège auto où Pierre s'est sagement endormi. Thomas se charge du sac à langer et de son porte documents.
Chanone, inquiète, ne quitte pas les mains des jumelles.
Salutations amicales, sourires chaleureux, échanges complices, tout le monde s'interpelle par frère et sœur.
Dimanche- 17 heures.
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Psaumes- 22:1-2
" Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? Pourquoi es-tu loin de me sauver---O mon Dieu, j'appelle de jour, et tu ne réponds pas---"
Toutes les entrées du bâtiment sont verrouillés et un vigile est posté devant chaque porte donnant sur l'extérieur.
Sur l'estrade, les conférenciers se succèdent.
D'une voix tantôt ferme, tantôt douce, tous relatent le triomphe d'un Dieu sauveur sur une Terre corrompue et agonisante.
- L'ultime délivrance est arrivée!
Mes chers frères et sœurs, le passage de la lumière est ouvert!
S'élève des acclamations, des applaudissements, puis à nouveau le silence.
- Aujourd'hui, la Liberté nous est offerte de vivre éternellement. Joignons nos esprits dans la prière et demandons à notre divin Père tellement compatissant, de nous accueillir à ses côtés.
Toute l'assemblée se lève, baisse la tête pour un instant de silence respectueux, reconnaissant.
Chanone sent son cœur battre la chamade. L'espace de trois secondes sa vue devient floue. Ses mains sont humides. Elle frisonne d'horreur, la peur au ventre.
Elle reprend vite conscience de l'urgence de la situation. Elle saisi doucement les mains des jumelles qui lèvent vers elle leurs visages innocents.
- Maman---
La fillette tire légèrement sur la manche de sa mère et souffle dans un murmure.
- Je dois emmener les filles au wc, c'est---pressant.
- D'accord, mais dépêche toi, je veux que nous partagions le breuvage en famille.
- Oui, je reviens très vite.
Précédée des jumelles, Chanone se faufile dans la rangée en s'excusant du dérangement.
Elles remontent toute les trois l'allée centrale, se dirigeant vers le fond de la salle, vers les toilettes dame.
A l'intérieur, d'un côté des portes, de l'autre côté trois miroirs et trois lavabos posé sur trois meubles à portillons.
- Pourquoi on vient ici?
- J'ai pas envie de faire pipi.
- C'est très ennuyant de rester assise pendant de longues heures, alors j'ai inventé un jeux. Vous voulez jouer avec moi?
- Oui!
- Maman va pas être contente.
- Vous avez confiance en moi?
- Oui!
Répondent les enfants en se blottissant contre leur grande sœur, l'enveloppant de leurs petits bras potelés.
A nouveau le cœur de la fillette se serre de douleur en présumant de l'avenir.
Surtout ne pas pleurer, faire semblant---de jouer.
- Je veux jouer!
- Je veux gagner!
Après un coup d'œil rapide autour d'elle, Chanone les entraine vers les lavabos. Elle se baisse, pousse un portillon, fait entrer Anaïs qui à juste la place pour s'asseoir.
Et fait de même avec Lucie au meuble suivant.
Après avoir déposé à chacune un tendre baiser sur leur chevelure bouclée, elle se redresse devant les portillons fermés.
- Maintenant le jeu commence.
Vous ne bougez pas. Vous ne parlez pas. Vous allez entendre du bruit, peut-être des cris, des appels. Vous ne répondez pas.
Alors seulement, toute les trois on aura gagné le jeux, et je serais fière de vous.
Même si c'est trop long, vous attendez que je revienne vous chercher. Et n'oubliez jamais, que je vous aime---infiniment---
Elle pose une main devant sa bouche pour ne pas éclater en sanglots.
- Je t'aime Chanone, répond Lucie.
- Je t'aime Chanone, répète Anaïs.
Brusquement, la porte s'ouvre sur un vigile.
- Qu'est- ce que tu fais là?
-Une envie urgente.
Il pousse une à une les portes des cabinets, puis se dirige vers le premier portillon qu'il écarte de sa large main.
La fillette reste sur place, tétanisée.
Alors que le vigile tend le bras vers le deuxième portillon au même instant il est interpellé par un collègue.
Il prend Chanone par la main et sort des toilettes dame.
- Tu as tout vérifié?
- C'est fait!
Toi, tu rejoins tes parents.
L'enfant s'éloigne sans se retourner, surtout ne pas attirer les soupçons.
Dimanche- 19 heures.
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Psaumes- 46:1-2
" Dieu est pour nous un refuge et un appui, un secours qui ne manque jamais dans la détresse. C'est pourquoi nous sommes sans craintes. "
- Où sont les filles?
Demande Romane en berçant Pierre qui s'impatiente de son biberon.
- Papa les a prise au passage. Il a dit de ne pas t'inquiéter, nous serons bientôt réunis.
Répond tristement Chanone, désolée de mentir à sa mère, d'abandonner ses petites sœurs, d'être emprisonnée de force. Désolée de sa résignation, au droit meurtrier de ses parents aveuglés par des convictions utopiques.
Romane pose tendrement son bras autour du cou de sa fille.
- N'ai pas peur, tout va bien se passer. Tu sais combien je vous aime toi, tes sœurs et le bébé.
Je suis là pour vous protéger. Ais confiance en moi, ma chérie.
Des larmes sillonnent le visage tourmenté de l'enfant.
Dans les rangées, des gobelets passent de main en main.
Après avoir bu, des personnes s'écroulent sur leurs chaises, d'autres glissent au sol.
Un biberon arrive dans les mains de Romane. Le liquide glisse lentement dans la petite bouche de Pierre enfin calmé.
La jeune femme tend maintenant un gobelet à sa fille qui la regarde suppliante.
- S'il te plait mon ange, bois avec moi.
Alors que ce semblant d'eau coule dans leurs gorges, Romane s'assoit sur le sol et s'allonge. Pierre ne bouge plus, il semble dormir paisiblement---
La fillette s'installe à côté de sa mère et se blottit tout contre ce corps maternel qui lui a donné et qui lui reprend---la vie.
Autour d'elles, le sommeil éternel--- s'amplifie.
Dans le fond de la salle, une dame toute ronde tient par les mains deux fillettes aux cheveux bouclés. Elle s'agenouille sur le sol et tire les jumelles à ses côtés.
- Vous devez avoir soif mes enfants. Buvez cette douce eau fraîche.
Marc- 12:31
" Tu dois aimer ton prochain comme toi même--- "
- J'ai mal aux jambes,
se plaint Anaïs
- Chut! Chanone à dit de ne plus parler, gronde Lucie
Bien sur, la Salle est rempli d'enfants et de nombreuses--- jumelles.
Et si Dieu n'était, simplement, qu'en nous.
S'élever contre les sectes c'est nous respecter, aimer les autres, protéger la VIE!