Mon chum de gars à une tête de noix. Et des fois même une tête de cochon. Une tête dure. Un cœur de pierre. Des goûts luxueux. Des rêves trop grands pour ses capacités. Trop nombreux pour ses possibilités de réalisation. Mais il est tellement attachant. Vraiment charmant. Et grandement volubile et surtout très drolatique. Encore davantage lorsqu’il ne sait pas qu’il est d’un comique hors du commun. En fin de compte, je dirais que ce qui compte pour lui est de tout faire pour être aimé et que cela n’a pas de prix. Sans doute un besoin immense et inassouvi d’affection et surtout d’attention.
Toujours occupé à vouloir vous aider. Il vous tord les bras. Vous achète la liberté de penser comme un torchon à laver la vaisselle, et ce, avec un discours intelligent, une verve agréable. Finalement, inégalée tant dans sa vitesse au rythme de l’éclair que dans la variété des sujets de ses délires, il est imbattable dans l’art oratoire. Une fine mouche qu’il pend lors de ses allocutions sempiternelles. Un diplomate né. Un homme à tout faire. Véritable artiste. Généreux et amant de la valorisation de soi dans le faire à tout prix pour autrui. Et le prix qu’il paie est toujours très élevé. Étant celui de l’oubli de soi, de la colère ravalée, de la tristesse sourde et cela dans l’absence de la conscience du langage du corps qui prévient et que l’on n’écoute souvent que trop tard.
Tenez-vous-le pour dit. Si vous le voyez un jour, prendre sa place de stationnement le long d’un trottoir achalandé, vous comprendrez ce que je veux vraiment dire. Le regarder devant son volant s’y acharner à l’usure de sa patience pourtant exercée de par son travail de recherchiste devient une véritable pièce de théâtre. Son corps toujours en mouvement bien qu’il soit bien attaché sur le siège de sa Mazda 3 rouge métallisée éclatant est sans cesse stimulé par l’objet final de sa quête. Les lèvres en actions perpétuelles. La tête qui tourne en tous sens. Les yeux exorbités. Les bras et les mains battant la chamade dans le vide de l’air. Un véritable chef d’orchestre.
Prendre le plus rapidement sa place de stationnement devant le Café Crème de la rue des Tilleuls est un cauchemar. Toujours bondée par le magasinage d’automne, elle devient un terrain de jeux dangereux. Il arrive qu’il y soit presque périlleux d’y trouver un espace temporaire et privé. Voilà pourquoi il atteint son but après bien des péripéties. Et que c’est d’un coup de maître, qu’il se stationne après maints essais et erreurs.