J’étais prévenu, le bricolage n‘était pas son point fort. Pourtant, une fois emménagé dans notre nouvelle maison, il lui vint des idées de décoration qui m’épatèrent. Un jour, s’enhardissant, il voulut même poser tout seul l’occultant d’un Velux. Mon bricoleur en herbe prit des mesures, nota le numéro du modèle pour ne pas se tromper et fila au magasin bricomachin. Il revint triomphant avec le bon matériel comme un gamin qui ramène un bon bulletin scolaire. Sans tarder, par un après-midi tranquille, il se mit au travail. Je l’observais tandis qu’il tournait le mode d’emploi dans tous les sens, son regard faisait un va et vient entre l’objet et le plan. Voyant son air perplexe et sa mine soucieuse je tentais d’intervenir pour apporter mes lumières mais je fus vite découragée par un « laisse-moi » ferme qui ne tolérait aucune réplique. Je le laissais donc à son désarroi et retournais à mes occupations, nullement contrariée et prête à venir en aide si le besoin s’en faisait sentir. A l’étage la tension montait, des bruits inhabituels résonnaient dans la maison. Comme je l’avais prévu il m’appela à son secours et je m’empressai d’accourir, mais erreur, je fus de nouveau rabrouée faute d’efficacité suffisante et priée de retourner à mes activités. Il se calma ensuite, sans doute honteux de s’en être pris à une créature de bonne volonté. Mais cela ne dura pas, très vite, il s’en prit à lui-même, vociférant, fulminant et menant grand tapage, pour tout dire il jurait comme un charretier. Stoïque, je tentais de me souvenir les leçons des philosophes de l’antiquité et prenais mon mal en patience. Soudain un grand fracas retentit au-dessus de ma tête suivi d’un silence. Je le vis alors descendre tout penaud avec dans les mains l’occultant tout déglingué qu’il venait de jeter rageusement à terre.
-Je viens de jeter 70 € à la poubelle me dit-il rouge comme une écrevisse.
Un fou rire me gagnait mais je n’en laissais rien paraître et répliquais posément :
-Tu peux retourner au magasin pour l’échanger.
Il me regarda comme si c’était la première fois qu’il me voyait et examina l’objet en piteux état.
-Tu crois dit-il sceptique mais néanmoins plein d’espoir comme un enfant soulagé de constater que sa bêtise est pardonnée.
-Oui bien sûr !
Il reprit donc la direction du magasin une fois l’objet soigneusement emballé dans son étui d’origine. Il me revint de nouveau triomphant et de plus réconcilié avec la grande enseigne de bricolage qui l’intimidait tant. Le vendeur n’avait pas fait de difficulté pour l’échange précisant même qu’il y était obligé ce qui laissa mon bricoleur comme deux ronds de flan. Etonné d’avoir eu le droit à l’erreur et de nouveau confiant il fit une nouvelle tentative couronnée de succès cette fois car il avait pris le mode d’emploi dans le bon sens. Depuis il est redevenu un homme calme et civilisé, il ne bricole plus.