Durant les jours suivants, elle s'acquitta de ses tâches quotidiennes à la façon d'une somnambule. Le silence, dans la maison où se pressaient les souvenirs, se révélait insoutenable. Pourtant elle l'avait décidé seule, d'accord sur un coup de tête, de s'installer dans le chalet de famille, perdu au-dessus des mélèzes. Elle avait besoin de se retrouver ici, une dernière fois, avant l'abandon à d'obscurs promoteurs. Elle a retrouvé les gestes, les mouvements familiers à chaque pièce, les habitudes s'imposant naturellement, allumer le feu, préparer un mini-repas, fureter dans les placards, déplacer, ranger. Le silence, vertigineux ! Impressionnant au début, est devenu finalement un compagnon très bavard, les craquements du bois, le souffle du vent et ses vibrations dans la cheminée, grincements dans l'escalier.
Quelques fantômes allaient et venaient, d'abord très encombrants, un peu "collants", mais très vite apprivoisés. Ils étaient partout, près des meubles encore bien cirés, armoires parfumées sa "madeleine", canapés et fauteuils défoncés débordant de confidences oubliées, débats restés en suspens. Alors elle s'est enroulée dans les vieux châles, franchement élimés, mais si doux et confortables, et s'est laissée emporter, rêves, réalité ….