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Un mois, deux mois ou trois déjà ou seulement, elle ne savait pas, elle ne savait plus. Elle avait une montagne de copies à corriger. Elle n’en avait pas, elle n’en avait plus le courage. Aujourd’hui, elle pouvait plus. Sa sœur, Lilas, l’avait aidé autant qu’elle avait pu ;  Lilas avait en fait tout pris en main. Trier les vêtements, les jeux, les bibelots préférés. Lilas s’était chargé de faire une distribution équitable. Elle avait aussi assuré les courses et les repas. Mais elle avait dû repartir. Elle aussi est avait sa famille et son travail, ses cours à préparer.

Magali, assise dans la cuisine, une tasse de thé brûlant, comme disent les Anglais c’est le remède souverain contre tous les maux,  regarde tristement la grande cour pavée de cette ferme qu’ils avaient retapée ensemble, cette cour remplie de voitures de gendarmerie. Elle revoie, le cœur battant, le capitaine lui annoncer avec beaucoup de douceur que l’accident…que son mari… ses deux enfants… la voiture…Elle n’entendait plus rien ; elle ne voyait plus rien. A quarante ans sa vie était brisée. Elle ne pourrait pas s’en remettre. Il avait été délicat, très prévenant ce capitaine il était venu une fois ou deux à titre personnel juste par gentillesse. Afin c’est ce qu’elle croyait.

 

Magali se leva, elle soupira les larmes aux yeux. Le silence toujours ce silence coupé seulement par la symphonie inachevée de Schubert qu’elle se passait en boucle le mercredi matin. Plus jamais elle n’entendrait :

- Mag t’as pas vu ma cravate bleue ? ou encore,  tu veux que je prépare un gratin dauphinois pour ce soir ? ou bien, tu sais dans la buanderie je pourrai t’installer un…..

-M’an Vincent  veut pas zouer avec moi… M’an mon maillot de basket ?  Maman fais-moi un câlin.

Plus de câlins plus de fou rire, plus de balade en vélo sur le chemin des noisettes.

Elle s’installa dans la petite serre, au milieu des plantes exotiques qu’Alain aimait tant, sa pile de devoirs de maths à corriger. Elle en était à sa dixième et comme toujours, elle commençait à compter combien il lui en restait quand son œil fut attiré par un mouvement  dans l’embrasure du portail ; une silhouette se découpait. Une petite fille maculée de boue, le regard éteint s’avançait tenant dans ses bras un paquet bizarre ; un petit chien, son chiot.

Sans même réfléchir,  Magali se précipita vers l’enfant.

Une heure plus tard, Magali était assise dans rocking chair. Elle se balançait doucement et fredonnait ; contre son épaule,  une fillette fraîchement débarbouillée, sentant la fraise et la vanille serrant dans ses bras un chiot tout propre, était endormie La chaleur de la petite contre sa poitrine lui fit l’effet d’un baume ; c’était du miel … Demain, elle verrait, demain elle prendrait une décision, demain elle irait à la gendarmerie… demain, elle irait voir le capitaine, demain serait un autre jour.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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