Mon cher Cuivre
Tandis que mon cœur battait la chamade, enfin j'allais pouvoir vous toucher, vous vous éloignâtes de moi, poursuivant une belle, affublée de dentelles.
Vous vous prîtes le pied dans la moquette. La dentelée, d'un air dédaigneux, vous tendit un sparadrap, afin de cacher ce bleu qui apparaissait au-dessus de votre sourcil. Et s'en fut vers d'autres, les jugeant sans doute plus dignes de ses frôlements distingués.
Moi qui ne désirais tant que de vous approcher, c'est entre mes draps que je vous eus invité, afin de mieux vous frotter.
Mais pour vous, je n'étais que morne habitude, synonyme de tablier de cuisine, vaisselle sale et casseroles. D'ailleurs ne m'appeliez-vous pas monotone ou mon automne, je ne sais.
Aujourd'hui, terni et sans emploi, vous n'avez plus l'honneur de figurer au tableau d'affichage, la dentelle, non plus, d'ailleurs. Sans doute est-elle devenue guenille.
Vous me faites savoir que rien ne vous plairait tant, que je vous astiquasse, et cela depuis des lustres.
En effet, bien des lustres et même des chandeliers sont passés entre mes mains, sans jamais se plaindre ; mais pour vous, il est déjà trop tard, vous n'êtes plus le bel instrument d'antan ; celui qui faisait palpiter mon cœur .
Ce dernier, d'ailleurs, s'est assagi, la trame de mes sentiments s'étant quelque peu effilochée.
Je crains que vous, comme moi, ne soyons destinés au recyclage. Peut-être, alors nous mélangerons-nous…Qui sait ?
Je reste malgré tout, votre chiffon tout doux.
Amicalement.
Lustreuse