Il est vieux. Il est assis sous l’auvent, bordé par la vigne vierge d’un rouge vermillon. Son chapeau informe sur la tête, ses habits si souvent lavés qu’ils en sont délavés, incolores. Ses yeux aussi sont incolores, si souvent inondés de soleil ou alors vaincus par le froid et les vents. Ses doigts noueux s’affairent, mais il n’a plus rien à faire. Ses bras s’agitent, il ne peut les maitriser. Il se sent inutile, bon à rien, un vrai chiffon, comme le journal posé il y a quelques jours déjà sur la table. Autrefois, il était fier comme un cerf qui dresse sa ramure et brame à la nuit tombée.
Il pousse un soupir et allume sa pipe, laissant une trace noirâtre sur son pouce. Un petit crachin humide annonce l’automne. Les souvenirs d’été sont déjà envolés. Le soleil lui évitait de souffrir de ses rhumatismes, un vrai délice. Aujourd’hui, il se cambre sous l’effet de la douleur puis s’affaisse et se ratatine un peu plus.
Il est vieux. Il est assis sous l’auvent et il regarde les copeaux emportés par un mauvais courant d’air.
Elle pétille de vitalité et de gaîté. Elle est toute jeune encore, comme un poussin à peine sorti de l’œuf. Elle court dans tous les sens. Sa robe d’un rouge vermillon virevolte, elle dresse ses bras vers le ciel et tourbillonne ou alors elle grimpe aux arbres et se balance dans les ramures les plus hautes.
Lorsqu’elle s’arrête enfin sous l’auvent, elle s’amuse de tout : d’une page de journal imprimée, des copeaux de bois si fins et si légers ou d’un chiffon oublié. Rien ne peut entamer sa bonne humeur, ni le petit crachin du matin, ni les taches noirâtres sur ses souliers, ni même les cris de ses frères et sœurs. Jamais un soupir, non, elle croque la vie avec délice !