Avec fébrilité, elle ouvre la boîte et découvre avec bonheur qu’il n’y a pas un papier, pas deux papiers, mais des tas de papiers couverts de mots, certains même, écrits recto-verso. Jamais elle n’aurait pensé récolter autant de mots en une seule journée. Marie pose alors la boîte sur le banc à côté d’elle, et commence à piocher au hasard, sortant les uns après les autres les feuilles de papier qu’elle lisse délicatement avant de lire.
- Merci pour cette boite à pensées : mon patron dit toujours que je ne suis pas là pour penser mais pour bosser ; moi je crois que tout le monde a le droit de penser !
- Depuis trois ans que je suis dans la rue, je pense tous les jours, mais personne ne m’entend, ni me voit, ni me parle. Et merci pour le stylo, je n’en avais pas tenu un depuis bien longtemps.
- Une pensée pour ceux qui n’ont pas le temps de penser
- A quatre-vingt ans, mes pensées sont derrière moi, vers cette enfance abîmée par la guerre, vers cette jeunesse bien trop soucieuse, vers cette jeune femme qui fut la mienne et trop vite disparue, vers ces enfants que je n’ai jamais eu avec elle, vers ces petits-enfants que je ne tiendrai jamais dans mes bras
- Je pense, donc je suis !
- Je voudrais être musicien, poète, peintre ou sculpteur et construire un monde juste, bienveillant, chaleureux avec mes mots à moi, mes couleurs, mes envies.
- Une pensée pour tous les opprimés, les brimés, les bâillonnés, tous ceux qui ne peuvent plus livrer leurs pensées.
- Et si l’on pensait d’abord aux autres !
- Pensée = liberté
- Le bonheur n’est pas un du : il faut savoir le chercher, le trouver, l’apprivoiser et le garder.
- Aujourd’hui, j’ai envie de penser enfin à moi, hier j’ai trop pensé aux autres et je ne sais pas de quoi demain sera fait.
- Penser pour se libérer du quotidien.
- Pensées obsédantes de la nuit
Sur la jeunesse qui me fuit
Pensées entêtantes de l’ennui
Me font sombrer dans le puits
- Vous n’aurez pas ma liberté de penser !
- Pensées éternelles pour ceux qui ne sont plus de ce monde
- Je pense à tous ces mal-logés, mal nourris, sans abris, malades à en crever de ce système
- Quelle bonne idée cette urne à pensées ! Ma pensée du jour : profiter du moment présent, on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve.
- Vivre sans cri, sans guerre, sans conflit, sans haine, sans peur, sans risque, pour pouvoir vivre avec le sourire, pour aimer, partager, donner, recevoir, accepter.
Soudain Marie s’arrête, les larmes aux yeux. Elle, qui pensait égayer ses vacances à Paris chez son père, en lisant les pensées des autres, en a marre. C’est trop triste, trop grave. Accablée et déçue, elle remet toutes les feuilles dans la boîte, jette définitivement le tout dans la poubelle juste à côté. Elle traverse la place d'un pas décidé, fait une centaine de mètres sur le boulevard des Invalides, tourne dans la rue de Varenne et court se planter devant la statue de l'homme penché dans le Jardin du Musée Rodin. A quoi peut-il bien penser celui-là, se demande-t-elle ?