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Après des années de bons loyaux services pour ne pas dire d’asservissement et de rudes batailles menées auprès de Napoléon, Igor revenait à la maison. Gertrude, sa concubine l’attendait depuis bientôt quatre longues années. Gertrude aimait profondément Igor. Elle l’avait connu toute jeune, alors qu’elle n’avait que 15 ans et qu’il n’avait pas loin de 30 ans. Elle en était tombée amoureuse dès le premier regard et depuis ce jour béni, elle ne vivait que pour lui. La guerre et le départ pour le front furent les supplices les plus cruels qu’aient vécu la jeune femme. Comment allait-elle supporter l’absence ? L’incertitude … Etre suspendue jour et nuit à l’annonce hypothétique de la mort de son bien aimé … Que de tourments ! Mais, durant ces terribles années, elle avait fait face. Elle avait gardé la foi. C’était une question de vie ou de mort. Elle ne pouvait pas imaginer sa vie sans Igor. Il fallait qu’il revienne. Il fallait qu’Igor lui revienne.

Après une dure journée de labeur passée aux champs, Gertrude l’aperçut au pas de la porte de leur chaumière. Malgré les combats et les blessures, Igor exerçait toujours le même pouvoir charismatique sur sa jeune et belle compagne. Gertrude manqua de défaillir. Mais la joie, le soulagement furent plus forts que tout le reste. Igor lui tendit les bras et Gertrude vint s’y jeter avec la même passion amoureuse qu’autrefois.

 

Après cette lutte pour la survie aux côtés de ses compagnons de misère, Igor revenait victorieux au bercail auréolé d’une gloire inespérée. Les combats féroces et implacables l’avaient renforcé dans son amour pour la vie et cette nuit, il ne laissera guère de répit à la jeune Gertrude.

 

Le lendemain matin, Gertrude fut prise de violentes démangeaisons au creux de ses parties les plus intimes. La pauvresse n’eut aucun doute sur ses symptômes. Igor lui avait bel et bien refilé la chaude-pisse. Honteuse, l’âme en peine, les tripes en feu, Gertrude fuyait les attouchements de son amant. Nuit après nuit, elle se refusait au désir impérieux d’Igor de plus en plus perplexe quant au comportement de sa compagnonne. Mais, la jeune femme continuait à se dérober. Elle ne disait rien de ses peines et psalmodiait à longueur de journées les mêmes sempiternelles litanies dans l’espoir que le mal se dessaisisse d’elle. Mais rien n’y faisait. Le mal était toujours en elle. Sa plus grande terreur était que son amant se détourne d’elle et parte vers d’autres contrées, ou pire encore qu’il lui demande de déguerpir sur le champ.

 

C’est alors qu’elle eut une idée. De bon matin, elle se rendit chez la rebouteuse du village, espérant de tout son être, qu’elle y trouvât la solution à ses souffrances. La vieille femme la fit entrée dans son antre. Le refuge regorgeait de fioles, de potions mystérieuses, d’animaux baignant dans du formol, de milles et une chose étranges et quelque peu effrayantes. Pourtant, un objet attira immédiatement l’attention de Gertrude. En haut d’une étagère croulant sous les livres, elle remarqua un frontispice qui la laissa sans voix. L’illustration de cet ouvrage n’était rien d’autre qu’un amas infâme de tripailles. La rebouteuse s’en saisit promptement et comme prise d’une frénésie soudaine, feuilleta le bouquin. Au bout de quelques secondes, son doigt se posa sur un paragraphe. Elle avait trouvé la solution. Elle lui remit un flacon de chanvre indien à partir duquel elle avait élaboré diverses drogues, lui promettant que d’ici deux jours, son calvaire ne serait plus qu’un mauvais et lointain souvenir. Elle pourrait de nouveau aimait Igor comme autrefois.

 

Réconfortée par cette visite et par la bouteille qu’elle pressait contre son sein, Gertrude rentra rapidement chez elle et se badigeonna de la solution miracle. La lotion brûlait sa chair mais qu’importait la douleur. Que n’aurait-elle pas fait pour l’amour d’Igor ? Au bout de sept jours, Gertrude ne vit aucune amélioration mais pire encore la douleur devenait au fil des jours de plus en plus intenable. En outre, depuis une dizaine de jours, Igor disparaissait toute la journée. Dès le lever du soleil, fronde à la main, Igor prenait les chemins de traverse, où naguère, Gertrude et Igor aimaient à s’y isoler, à l’abri des regards, dans les coins reculés de leur belle campagne où ils se donnaient l’un à l’autre avec avidité et sans aucune pudeur. Désormais lorsqu’il revenait tard dans la soirée, il n’adressait pas un regard, ni même une parole à Gertrude qui dépérissait jour après jour sur sa chaise à attendre le retour de son homme.

 

Un soir, après une nouvelle journée passée loin de Gertrude, Igor revint au foyer l’air sinistre et renfrogné. Coupé dans son élan par la vision d’horreur, Igor demeura atone. Pendue au cerisier en fleurs de leur lopin de terre, Gertrude venait de se donner la mort. Igor courut jusqu’à sa bien-aimée. Il était trop tard. Dans un cri rauque d’animal blessé, il enfouit son visage baigné de larmes dans la chemise de Gertrude qu’il avait tant aimée.

 

Igor ne connut jamais rien de l’enfer que sa belle endurât durant des semaines, au nom de cet amour infini et éternel qu’elle lui portait. Quant à Gertrude, elle ne sut jamais ce qu’Igor fit de ces jours et de ces nuits durant lesquels elle espérait tant qu’il lui revienne.

 

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