J'ai vu au bas des frontispices
des palais ou des châteux-forts
aux murs jaunis et défraîchis
une assemblée d'anciens marquis
ayant passé leur heure de gloire
qui s'asseyaient comme asservis
dans des relents de chaudes-pisses
sur les genoux de concubines
qui n'avaient l'air que de tripailles
bien squelettiques et faméliques
n'ayant plus gîte ni couvert
et qu'on priait de déguerpir
avant que ne tombe le soir.
J'ai vu des princes mendiants
et des princesses en guenilles
me supplier de leur sébille
en récitant des litanies
mais je ne les comprenais pas.
J'ai vu de très vieux rois déchus
des empereurs et dans leurs yeux
j'ai lu la peur et la misère
mais je n'ai pas eu pitié d'eux.
J'ai vu revenant de la guerre
des chevaliers dans leur armure
des hommes à la triste figure
qui n'avaient plus pour tout rechange
qu'un miséreux habit de chanvre.
J'ai vu sur des chemins de traverse
des mendiants et des ermites
Robin des bois Thierry la fronde
des flibustiers des voyageurs
qui parcouraient le vaste monde
en répandant bien des terreurs.
J'ai vu un monde en loques
ruiné, fauché, sans avenir
moi qui ne suis que fille du peuple :
eh bien j'avoue que je me moque
de ces anciens nobles seigneurs
moi qui ne serai jamais riche
qui n'ai jamais eu d'habits neufs
qu'ils crèvent tous là, je m'en fiche
s'ils eurent des heures magnifiques
et des destins charismatiques
c'était avant quatre-ving-neuf !