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Sur le chemin la conduisant chez son père, Sandra passe devant une maison charmante. Un garçonnet joue dans le jardin. Elle s’arrête pour l’observer. Qu’il est bon de renouer avec la jeunesse passée !

 

Sandra est pressée. Si jusqu’à maintenant elle semblait courir après le vide, elle a aujourd’hui rendez-vous avec son père. Elle a renoué avec lui depuis peu, sur les conseils de son amie d’enfance, Sandrine.

 

Sandra était allée lui rendre visite après quinze ans de silence. L’entrevue ne fut pas aisée, vu que Monsieur Lequintrec est têtu comme un bourriquot. Il ne répondait pas aux questions de sa fille, paraissait absent lorsqu’elle fit le récit de toutes ces années sans lui.   

Elle s’excusa aussi d’être partie par peur d’avoir à le perdre à cause de son travail de flic.

L’ancien inspecteur se renfrogna davantage lorsqu’elle lui apprit que désormais son prénom était « Sandra »  et plus «  Murielle ». Elle aurait dû s’appeler ainsi, mais suite à une erreur administrative lors de la déclaration de naissance, elle s’était retrouvée affublée d’un nom de baptême non désiré.


Elle se rendait le plus souvent possible chez lui, maintenant qu’il lui avait pardonnée sa fuite.

C’est ainsi qu’elle fit la rencontre de Juan, un ancien trafiquant de drogue que son père avait sauvé de la prison. Le métier de policier n’avait pas que de mauvais côtés, il permettait aussi de venir en aide aux plus démunis.

Un jour, Juan lui avait raconté comment il était devenu un hors-la-loi, et surtout  la manière dont Monsieur Lequintrec avait bouleversé sa vie.      

Au récit que le jeune homme lui en avait fait, la jeune femme s’était sentie infiniment fière de son père.

Elle appréciait également Juan qui lui rappelait un ancien camarade de classe que tous désignaient par son patronyme, Pineau, mais qui se prénommait Bastien. Elle espérait que lui aussi avait eu la chance de croiser un homme comme Monsieur Lequintrec.


Le garçon s’approche d’un rosier orange, dont le petit vent apporte les effluves aux narines de Sandra. « Mmm ! Quelle agréable odeur ! »

Le garçon semble envoyer des baisers en direction de la fleur. « C’est vrai que cette plante est magnifique, se dit la jeune femme. Sa propriétaire doit manifestement avoir la main verte, pas comme moi. » Elle doit d’ailleurs être une des deux femmes qui surveillent discrètement de la fenêtre du premier étage.

L’enfant se met à parler à l’arbuste. Sandra n’entend pas les paroles prononcées, le son de la voix seulement parvient jusqu’à elle. « Les fleurs seront encore plus belles » pense-t-elle. Et c’est avec un sourire aux lèvres qu’elle reprend sa route. 

Un peu plus loin, elle croise un homme trapu, au visage carré. De sa voix cassée, il lui dit : « Bonjour ». Sandra fait la sourde oreille pour ne pas avoir à répondre à cet individu peu avenant et qui boite. Elle accélère le pas.

 

La faim lui tenaille l’estomac. Son heure de natation lui donne chaque fois une fringale insatiable. Elle a hâte d’arriver chez son père et de se mettre à table.

 

Durant le repas, Monsieur Lequintrec se gratte la gorge et prend un air soudain sérieux.

Il avoue à sa fille qu’après le décès de sa femme, il y a sept ans, il est tombé éperdument amoureux d’une de ses connaissances, Jeanine. Pour ne pas choquer, ils ont vécu cachés. Un bonheur merveilleux mais court. Jeanine est morte à son tour l’année dernière. Il lui en parle en un hommage élogieux.

 

Jeanine était atteinte d’une maladie rare. Ils ont essayé toutes sortes de médecine pour en venir à bout. Ils ont même consulté un personnage étrange qui disparut comme il était venu. Il était sensé guérir les souffrants, mais son pouvoir resta inactif face au mal qui rongeait la compagne de Monsieur Lequintrec. Il était trop tard. Il a tout de même pu retirer la souffrance du corps de la malade pour lui permettre de finir sa vie dans la dignité.

 

Sandra, émue par la confession de son père, lui fait elle aussi des confidences, notamment qu’elle a rencontré, dans une discothèque, un homme dont elle est follement éprise. Ses sentiments semblent être réciproques. Elle se souvient de la première fois où leurs yeux se sont croisés.

 

Elle connaît Vern depuis deux mois. Cet homme constitue un véritable mystère pour elle : ils ne se voient que le soir, à la nuit tombée. Elle se pose une multitude de questions à son sujet, mais elle ne veut surtout pas reproduire les erreurs du passé. Avec son ancien fiancé, elle était possessive, jalouse, si bien que ce dernier avait pris la fuite. Sandra était tombée en dépression, et avait été obligé d’ingurgiter des pilules pour s’en sortir. Avec un bonus de dix kilos !

 

Aujourd’hui elle était sevrée, néanmoins ses efforts pour perdre du poids s’étaient avérés vains. Il avait suffit qu’elle croise de nouveau l’amour pour qu’elle parvienne à perdre du poids.

 

Vern et Sandra sortent beaucoup, au cinéma, dans des concerts, à des spectacles en tout genre. La jeune femme n’a jamais été aussi heureuse. Elle se souvient plus particulièrement de cette soirée au cirque. Tous les deux se sont amusés comme des enfants, retrouvant pour un moment leur innocence. Même devant les numéros puérils du clown, ils avaient ri aux éclats.

 

Les deux tourtereaux avaient spécialement appréciés le passage avec la mignonne souris grise. Le clown l’avait embauchée, la sauvant ainsi de son agonisant ennui. Une histoire émouvante !

 

Quel agile petit rongeur à courir ainsi dans sa roue, ou après une bobine de fil, et la rapporter en la dirigeant avec ses pattes !

 

Le clou du numéro de clown, c’est lorsqu’il improvise le portrait d’un personnage célèbre. Ce jour-là, il présenta Molière à l’assemblée, en rimes et alexandrins. Quel contraste détonnant entre son air dégingandé et son parler châtié ! On se serait cru au théâtre !

 

Après le clown, la trapéziste. Quelle grâce, quelle souplesse !

 

Puis, la cavalière, mais une chose étrange se déroula ce soir-là. Que d’émotions !

 

Il est un autre endroit où Sandra et Vern aiment à se retrouver. Assis sous le grand hêtre rouge, celui que la jeune femme est revenue voir, intriguée par le sort que certains voulaient lui réserver, à savoir l’élaguer.

Elle est tombée irrémédiablement sous son charme et s’est jurée de tout mettre en œuvre pour empêcher sa destruction. Vern a promis de la soutenir dans sa tâche en signant la pétition et en devenant lui aussi un membre actif du comité de défense.

 

Quand Vern et Sandra s’enlacent, ils représentent la réplique humaine de cet arbre unique, fusionnant en un seul et même corps.

 

Sandra ressent un bonheur immense. Elle espère simplement que son destin sera meilleur que celui de Muguette.

Si Sandra ne croit plus au conte de fées depuis bien longtemps, elle souhaite que les douze coups de minuit ne résonnent jamais en son cœur.

 

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