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C’était un matin de printemps alors que Vern n’avait que six ans. Sa mère préparait le repas et son père coupait du bois. Lassé de les regarder travailler, il décida de s’éloigner un peu de la maison et partit flâner le long de la rivière. Il s’arrêta quand ses parents ne furent plus qu’un point à l’horizon. Petit garçon solitaire, il ressentait souvent le besoin de s’isoler, mais prenait soin de ne pas s’aventurer trop loin pour ne pas inquiéter sa maman.

Vern observait une grenouille au bord de la berge quand il entendit un bruit étrange, comme un bouillonnement perturbant les eaux calmes. Il jeta un coup d’œil vers la rivière mais ne vit rien d’anormal. Il reprit son observation sans prêter attention aux remous de l’eau quand il entendit une voix derrière lui. Le petit garçon se retourna dans un sursaut. Un drôle de bonhomme se tenait devant lui. Vern fut étonné de sa présence car il ne l‘avait pas vu arriver alors que la colline était à découvert. Il le regarda attentivement et le trouva franchement laid et mal habillé, même assez repoussant. Pourtant ses parents lui avait appris qu’il ne faut jamais se fier aux apparences et qu’il faut être poli avec tout le monde. Il répondit au salut de l’étrange bonhomme.

_ Bonjour monsieur.

_ Que fais-tu donc petit?

_ Je regarde cette grenouille, là dans l‘herbe, répondit timidement Vern.

Il n’osait à peine lever les yeux tellement le vieux monsieur l’impressionnait. Son corps bien en chair et ses yeux perçants lui donnaient un air imposant et autoritaire. Pourtant sa voix lui semblait bienveillante.

_ Sais -tu petit, les dangers qu’elle encourt seule sur cette rive? Et pourtant elle doit continuer à vivre quoi qu’il puisse arriver, car telle est sa destinée. Parfois, certaines choses ne peuvent être évitées…

Le vieux bonhomme s‘arrêta comme troublé par ses propres paroles. Le petit garçon acquiesça sans bien vraiment comprendre ce qu’il voulait dire mais conscient de l’importance que cela avait pour lui.

_ Tu est gentil petit. Je lis la bonté que tu as en toi aussi clairement que je vois les cailloux à travers l’eau cristalline de cette rivière. Et pourtant je ne peux t’aider …J’aimerais tant, mais je ne ferais que déstabiliser le fil des destinées et l’équilibre de l’avenir. Et je n‘en ai pas le droit…

Il s’arrêta pour regarder le petit garçon qui le dévisageait d’un air inquiet, puis il leva les yeux dans le lointain comme s’il s’adressait à la nature toute entière:

_ Mais à quoi donc me servent mes pouvoirs si je ne peux rien pour un petit garçon de six ans! Pourquoi ne puis je le sauver du mal qui va le ronger?

Vern commençait à prendre peur. Ce vieux monsieur perdait ses esprits. De quoi voulait-il le sauver? Il n’était pas malade, il se sentait très bien.

L’homme sembla reprendre ses esprits. Il observa à nouveau la grenouille puis s’adressa une dernière fois au petit garçon.

_ Il te faudra être courageux… Nous nous reverrons, au fil de nos errances …Mais n’oublie pas qu’un jour je serai en mesure de t’aider sans bouleverser l’équilibre temporel. Ce jour là je te retrouverai et je te libérerai, de gré ou de force. Retiens bien ceci petit car même si pour l’instant tu ne me comprends pas, un jour ces paroles prendront tout leur sens.

Vern était effrayé, pourtant ces paroles se gravèrent dans son esprit, car le vieil homme avait usé de sa magie pour les prononcer. Quelques secondes après, c’est la stupeur qui le cloua sur place quand il vit le vieux bonhomme disparaître en un nuage de poussières que le vent emporta.

C’en était trop pour un petit garçon de six ans. Larmes aux yeux, il se précipita vers sa maison pour retrouver ses parents et leur raconter l‘aventure qu‘il venait de vivre. En chemin, il croisa un cavalier. C’était un homme très beau , à l’habit bien coupé et à la coiffure soignée. Vern pensa qu’il devait s’être blessé car des gouttes de sang tachaient sa belle chemise blanche. L’homme lui lança un regard froid et lui demanda :

_ Qui-es tu et où cours-tu ainsi?

Son ton était ferme et exigeait une réponse immédiate.

_ Je m’appelle Vern monsieur et je retourne chez moi.

L’homme jeta un coup d’œil à sa maison, puis dans un sourire sinistre, annonça d’un ton solennel.

_ Oh tu es le fils de ces braves gens que j’ai rencontrés dans cette si jolie maison. Et bien, ils ont dû s’absenter.

_ S’absenter, que voulez vous dire?

_ Ils sont partis mon garçon… un affaire urgente à régler et ils m’ont demandé de m’occuper de toi. Monte donc en selle avec moi!

Vern su immédiatement que l’homme lui mentait. Jamais ses parents ne seraient partis en le laissant seul. Quelque chose de terrible devait être arrivé pour qu’ils le laissent aux mains d’un inconnu. Il regarda attentivement son interlocuteur, il avait les traits durs et le regard cruel. Rien en lui ne lui inspirait confiance, pourtant il n’avait pas d’autre choix que de celui d’obéir car ses petites jambes ne lui permettaient pas de fuir devant lui. Il aurait pu crier pour demander de l’aide, mais son intuition lui dit que ses parents ne pourraient pas l’aider. Il monta sur le cheval, hissé par la main ferme et forte du cavalier.

L’homme lança son cheval au trot. Tandis qu’il le menait sur le chemin de sa destinée, Vern se torturait l’esprit , se demandant «  Où sont mes parents? Les reverrais-je un jour? » Et il savait que seul, cet homme qui le séparait de sa maison, avait les réponses à ses questions…où peut-être encore ce vieux bonhomme qui hantait la rivière.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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