On n’a jamais su où il habitait. Ni même d’où il venait...
Et pourtant la légende dit qu’il a traversé tous les siècles, tantôt sortant comme par enchantement des eaux d’une rivière en crue ou bien encore d’un épais brouillard sur la lande, tantôt surgissant des entrailles d’un volcan en feu...
On ne connaît pas non plus précisément son vrai nom, mais voici ce que l’on raconte :
Avec sa houppelande déchirée de toutes parts, laissant pendiller à terre quelques lambeaux de tissus délavés, et dont les ornements de broderies et de perles laissent à penser qu’il fut en son temps un gentilhomme, il n’a jamais cessé de parcourir les terres, toujours à l’affût d’une injustice quelconque à rétablir.
Malgré un corps bien en chair pour le moins repoussant, le dos voûté et les épaules tombantes, il savait s’attirer la reconnaissance des gens à qui il venait en aide. Sa corpulence excessive, essentiellement due à un buste fortement développé, offrait des signes de force et de résistance qui éloignaient de lui les plus malintentionnés. Il suffisait qu’il levât en l’air une de ses épaisses mains dont la forme carrée laissait apparaître des crevasses d’une infinie profondeur au milieu d’une broussaille de poils bien fournie, pour que le mal fût immédiatement repoussé. Ses pouvoirs étaient très variés : il pouvait par exemple manipuler tout aussi bien les éléments naturels tels que le vent ou la pluie ou encore se téléporter à travers les âges pour modifier le destin de certaines personnes. Plus simplement, il pouvait se rendre invisible ou bien encore se transformer en une autre créature, guérir les malades, manipuler à distance certains objets. Mais chacun de ces pouvoirs n’avait d’autre dessein que de faire le Bien sur terre. Il ne pouvait, fort heureusement, s’en servir à des fins maléfiques.
D’ailleurs, malgré le teint terreux de son visage et un front bombé à en faire pâlir n’importe quel quasimodo, il était facile d’entrevoir dans ses yeux perçants et pétillants, tout l’apanage d’une personne douce et sensible se cachant derrière une carapace toute ridée et meurtrie par le temps. Pour faire peur à ceux qui le défiaient, il prenait alors tout son souffle et de sa bouche large et charnue sortait une voix si puissante qu’on eu dit que la campagne entière allait se dissiper dans les airs.
Notre « enchanteur des terres » comme l’appelaient certains, passait donc son temps à réparer les infamies qu’il voyait sur terre. Il était en quelque sorte le gardien des injustices.
On n’a jamais su où il habitait. Ni même où il allait...
Jusqu’au jour où un terrible orage s’abattit sur la lande et qu’une créature du Mal fit son apparition…