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- Quelle ingratitude ! Trente ans d'amitié pour en arriver là..."

Il fulminait. Il rageait. Il aurait cassé n'importe quoi si seulement il avait eu n'importe quoi sous la main. Il parcourut à la hâte la distance qui le séparait de son garage, monta dans son break Mercedes dernier modèle et démarra en trombes. La sueur lui coulait sur le front. Jamais personne, depuis son paternel, ne lui avait fait cet affront. il roula à toute allure dans les ruelles du petit village, insouciant de la peur causée aux enfants qui jouaient dehors.

Une frénésie d'achat le prit, comme à chaque fois qu'il avait une contrariété. Il gara sa voiture dans le parking du petit centre commercial et avança rageusement vers l'entrée des grands magasins.

- Monsieur, s'il vous plait, vous n'auriez pas un peu de pain ?

Il allait se retourner, il voulait décharger sa colère sur quelqu'un, et là, il vit un gamin qui le regardait les yeux plein de larmes. Cette image l'arrêta net. Une secousse se fit sentir en lui et il dût s'adosser à la première chose qui lui tomba sous la main, c'est-à-dire le gosse.

- Monsieur, Monsieur ça va pas ?

Il tituba, respirant à grands efforts. Sa vue se brouilla et, comme dans ces mélodrames de série B qu'il méprisait, il se vit tomber à terre en pleurant. Et il pleura longtemps. Si longtemps qu'il se demanda soudain depuis combien de temps toutes ces larmes étaient enfouies en lui. Il regarda le gamin, lui tendit la main et, contre toute attente, le prit dans ses bras. Pas pour le réconforter, mais pour se réconforter lui-même.

Le petit garçon, qui ne comprenait pas grand-chose à ce qui se passait, eut malgré tout la décence de se taire et de laisser faire.

Est-il vrai que la souffrance unit les êtres ? Oui sûrement. Nous avions là un jeune enfant misérable, seul et affamé et un homme déjà mûr dont le compte en banque possédait plus de zéro que le gamin ne pouvait en compter. Et c'était celui-ci qui semblait aider l'autre.

- Comment t'appelles-tu ?

- Guillaume, Monsieur, je me suis enfui ce matin, ils me battaient les gens chez qui la Dass m'a placé. Je suis parti mais j'ai faim. Je sais qu'ils vont me retrouver, mais en attendant ce sera toujours quelques jours sans coups et sans humiliations. S'il vous plait, n'appelez pas la police, je veux juste manger un peu.

Il pensa à son fils qui s'était déjà lassé de son dernier Nintendo reçu deux jours plus tôt, il pensa à ce fils obèse de la vie, possédant tout et voulant toujours davantage. Et il se revit, enfant, meurtri et blessé par un père qui n'avait de père que le nom. Le petit enfant qui était en lui revint soudainement à la surface et pleura toutes les larmes enfouies au plus profond de son corps, toutes ces larmes non versées qui s'étaient accumulées au fil des années et qu'il avait oublié.

Guillaume, en un instant, venait de le réconcilier avec lui-même. Il méprisa soudain ce qu'il était devenu, puis un sourire se dessina sur son visage, il se leva, prit l'enfant par la main

- Où va-t-on Monsieur, où m'emmenez-vous ? s'il vous plait, ne me ramenez pas à la Dass, s'il vous plait.

- N'aie pas peur mon enfant, oui on va à la Dass, mais c'est parce que je veux que tu viennes chez moi, je veux remplir les formulaires pour te garder avec moi. Viens mon enfant, aujourd'hui tu n'es plus seul.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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