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L'astre lunaire illumine la nuit. Et, comme à chaque fois, il ressent une étrange volupté. Il sait que bientôt il se transformera. Ce sera d'abord douloureux. Puis, pendant quelques instants de vacuité totale, il sera vulnérable. Mais ensuite, son instinct prendra le dessus. Alors commencera la chasse. Il humera l'air de la nuit à la recherche de quelques victimes.

 

 

Ca y est ! Son sexe est en érection. La métamorphose va débuter. Ses muscles se tendent à exploser et une douleur incommensurable parcourt son ossature. Ses bras deviennent des pattes, son nez se transforme en museau. Ses vêtements ont cédé la place à une belle fourrure brune. Le voilà loup ! Il pousse un hurlement, comme un défi à la terre entière.

 

Il sait que la nuit sera longue. Et que la chasse ne sera pas que sienne. Depuis quelque temps, un groupe d’hommes tente de l’attraper. Ils lui ont déjà tendu des pièges. Jusqu’alors en vain.

 

Ivre de liberté, le loup court à perdre haleine jusqu’à pénétrer dans un sous-bois. Là, il ralentit l’allure. Maintenant, il avance sans bruit, tous les sens aux aguets. Soudain, il perçoit une odeur putride provenant d’un amas de broussailles. Sans doute un gibier mort depuis quelques jours. Il s’éloigne. Il préfère la chair fraîche. Un nouvel effluve caresse ses narines. Puis il entend un petit animal qui détale. Il le poursuit. Agile, le lapin zigzague. Mais le loup se montre patient. Et voilà le rongeur à sa portée. Il s’élance et, d’un coup de patte, le balance contre un tronc d’arbre. Le petit mammifère retombe dans une position grotesque. Déjà le loup-garou est sur lui et lui broie les os. Le sang encore chaud du lapin coule dans sa gorge. Il se délecte. Mais la proie était de faible taille. Et son appétit n’est pas apaisé. Au contraire. Il repart en quête d’une plus grosse prise.

 A quelque distance de là, des hommes s’affairent. Délégués par Monsieur le Curé, ils ont pour mission de capturer la Bête. Une précédente tentative ayant échouée, ils ont bien préparé leur coup. Le loup-garou sera attiré par un appât -en l’occurrence un jeune garçon. Lorsqu’il s’approchera, un filet -placé au sol et dissimulé par quelques brindilles savamment disposées- s’élèvera, l’empêchant de mordre ses agresseurs. Monsieur le Curé, qui a le don de prophétie, leur a prédit que ce soir ils parviendraient à leurs fins. Il leur a ordonné de se munir d’eau bénite et de balles d’argent, seules capables de venir à bout de cette créature maudite. Bien qu’habituellement indisciplinés, ils ont obéi.

Le piège mis en place, les hommes se sont dissimulés dans les arbres et attendent. Seul le jeune garçon est à terre, tremblant. Malgré le ton rassurant du chef de l’expédition qui lui a assuré que tout se passerait bien, il a peur. Il sait bien ce qui l’attend si le loup-garou le mord. Il subira à son tour la malédiction.  A son tour il chassera et attaquera sans merci des hommes, des femmes et même des enfants pour les dévorer. Sans doute rend-il service à son village, mais…

Il n’a pas le temps de ruminer davantage. Le loup-garou est là, devant lui. L’enfant est figé de terreur. L’animal est si gros ! Comment l’amener dans le filet ? Il se déplace doucement. Le loup le suit en arc de cercle, puis s’arrête. Comme s’il  pressentait un danger, il hume l’air autour de lui. D’autres hommes sont passés par là. Serait-ce un piège ? Mais l’animal a faim et cet enfant doit être bien tendre. Oubliant toute prudence, il approche. C’en est fait de lui. La nasse se referme. Il est pris sans combattre. Il hurle de rage. La peste soit de sa bêtise ! Il tente de ronger les rets. En pure perte. Les hommes l’aspergent d’eau bénite sans obtenir de réaction. Le Curé se serait-il trompé ? Le chef de la bande sort son arme. Il vise la Bête et tire. L’image du loup devient flou et on aperçoit un instant le visage d’un homme. Est-ce un mirage ? Puis, tout à coup, le loup disparaît, et l’homme avec lui. Il ne reste plus qu’un filet vide. Tous les hommes sont abasourdis. Comment expliquer cela au Curé ? Il ne voudra jamais les croire ! Ils sont tous bons pour la déportation !

Les hommes et l’enfant sont rentrés au bourg. Comme prévu, le Curé n’a pas cru un mot de leur version des faits. « Au mieux vous êtes des menteurs. Au pire vous êtes ses complices !» s’est-il écrié. Ils ont été jetés au cachot en attendant d’être jugés. Le garçon pleure. Le chef du groupe voudrait le rassurer, lui dire qu’il n’a rien à craindre. Mais il ne peut se résoudre à lui mentir. Demain, ils seront bannis ou condamnés à être brûlés en place publique. Tel est le sort de ceux qui frayent avec des créatures infernales.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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