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— "Elle lisait dans ses yeux l'aveu d'un amour qu'il n'exprimerait jamais.", articula bien fort Simone, tout en surveillant son mari, affalé dans son fauteuil…

Voyant qu'il fermait les yeux et ne bougeait pas, elle interrompit la lecture quotidienne qu'elle se contraignait à faire chaque jour, à voix haute, pour son époux, et se leva doucement... Elle s'approcha, tourna autour de lui sans faire de bruit, inspecta et secoua le verre posé sur le petit guéridon près du fauteuil de son mari, et se pencha pour écouter sur sa poitrine…

— Il respire encore… susurra-t-elle à voix basse.

Puis elle retourna s'asseoir, le plus discrètement possible, et reprit sa lecture, pour elle-même cette fois, l'air boudeur…

Pierre ouvrit les yeux, se frotta les paupières, semblant voir leur petit salon comme s'il ne le reconnaissait pas… Il s'étira et vit sa femme, alanguie dans son fauteuil.

Il se leva, fit quelques pas, d'abord mal assurés, regarda machinalement à la fenêtre, se retourna, hésita… Son regard tomba sur l'objet qui avait glissé des mains de Simone….

Celle-ci ronflait.

Le sexagénaire se baissa, ramassa tout doucement le livre et retourna silencieusement à sa place. Sans grand enthousiasme, il commença une lecture entrecoupée de bâillements... Peu à peu son corps se raidit, manifestant de visibles signes d'intérêt, puis de réelle captivation.

Les pages défilaient à présent, presque fébrilement, quand il ne scrutait pas intensément sa moitié, toujours endormie...

Se redressant tout à coup, comme illuminé, il entama comiquement une série de grandes enjambées nerveuses et chaotiques à travers la pièce, toujours sur la pointe des pieds, portant tour à tour la main à sa bouche, puis à son côté, visiblement en proie à une grande excitation intérieure...

Enfin décidé, il rejoignit précautionneusement le fauteuil de Simone, mimant à la perfection la scène que celle-ci avait joué précédemment : s'approcher, se pencher, écouter…

— Elle respire si profondément !… souffla-t-il, haletant légèrement.

S'octroyant à peine quelques instants supplémentaires de réflexion, il sortit de sa poche un grand mouchoir blanc avec lequel il joua quelques secondes... Soudain, il le plaqua sur le visage de sa femme dont les bras et les jambes s'agitèrent immédiatement, en proie à la panique.

Il ne vit pas l'expression de cette dernière tandis que d'une main assurée, sans manifester plus d'émotions qu'aux funérailles de sa tante, il lui broya le cou.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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