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Je m’appelle René, tout un programme. Lustré comme un bon plan. Avec ce prénom, j’ai l’impression que je ne peux pas mourir ou du moins que je peux renaître, c’est le prénom qui le dit.

Je suis un gentil homme, enfin je le crois. Je suis écrivain. Je ne tiens à rien d’autre qu’à écrire et à ranger. Je suis logique. Ma passion, ranger, tracer, ordonner, trier, sélectionner, comprendre. Avec des chiffres, des nombres de préférence.

Il me faut tout vérifier, c’est indispensable, les expériences scientifiques, construire par ordre mes pensées.

 

Tout est logique et doit l’être, les lois de la nature sont des lois mathématiques.

 

Je suis un puriste et il n’en sera jamais autrement.

 

Tiens le courtier. Une lettre de Justine, qu’a-t-elle encore, je lui ai dit ce que j’avais à lui dire, fait ce que je devais lui faire. Mes caresses sont précises, méthodiques. Cela devrait lui suffire. Alors…

 

« Cher René, 

je ne voudrais pas abuser de votre temps, je sais qu’il vous est précieux, mais j’aurais des choses tout aussi inestimables à vous dire.

Des phrases qui risquent de changer beaucoup votre monde…et le mien.

Mais moi, j’en conviens, mon bonheur a moins d’importance que le vôtre.

En regardant cette nuit la lune, toute belle et ronde, je me mise doucement à penser à notre avenir. Tellement beau il pourrait être, si je pouvais laisser aller mon dessein, mais me le permettrez-vous cher René adoré ? »

 

Adoré, adoré, ç’est bien gentil tout ça mais c’est sa propre idée, le reflet propre de sa psyché, son propre mouvement d’âme, pas le mien. Moi je me fie à mon instinct, en plus j’ai une morale. Justine c’est une sotte de passionnée, l’amour, le rose, les larmes. Diable ! Qu’elle me laisse tranquille…

 

« je vous aime de tout mon cœur mais je doute de notre entente sur l’issue qu’aura cette idylle,  pour vous seulement bucolique, pour vous qu’une amourette. Peut-être moins…Pour moi, c’en est autrement. Ce soir si vous venez, je vous ouvrirai ma porte… ».

 

Allons, réfléchissons.

Diantre, quelle escalade burlesque des sentiments, une bien belle âme quand même cette Justine et de si beaux seins…

 

« Rappelez- vous que quoique vous décidiez, que vous acceptiez ou que vous refusiez, je vous aimerais toujours mon amour. » Signé Justine.

 

Elle fait pouah de ma bonne maîtresse à moi cette Justine. Celle qui quand elle m’embrasse m’apporte la rage de vivre, la seule préceptrice à laquelle j’obéis, la

Raison, ma Raison, mon bon sens à moi !

 

Pas une once de discernement la dame coquette.

 

Certes mais de bien belles hanches…rondes comme la gâche du matin.

 

Mais bon c’est ma raison, ma logique cartésienne qui me fait vibrer. Toujours disponible celle-là, la meilleure amante qui soit, d’ailleurs du fait des avances de la demoiselle, j’en fais un piètre usage en ce moment de ma Raison.

 

Argghh, je ne peux continuer comme ça, être en trompe l’œil avec moi-même,

 

…un bien beau postérieur pourtant, une peau si douce...

 

Suffit, j’ai décidé que cette histoire était bien terminée. J’ai une morale, moi, je ne veux me laisser pendre par ces mouvements d'esprit. Je n’aime pas ces drôles de pensée de femme amoureuse contre logique.

 

Elle est gentille quand même et puis des mains si délicieuses…

 

J’ai inventé un discours, un discours de la méthode. Quand j’ouvre une porte, c’est en sachant que je peux la refermer logiquement, si j’ouvre la sienne, ce n’est plus de la récréation, ce sera les forceps assurés pour qu’elle se dégrafe de moi.

Quoi que j’entreprenne, quoi que je dise, c’est toujours avec une attente de belle au bois dormant. Non, rien à faire. Je la laisserai fermée cette porte.

 

… « Si, entre les occupations des hommes, il y en a quelqu’une qui soit solidement bonne et importante, j’ose croire que c’est elle que j’ai choisie. » voilà j’écris cela pour la postérité, j’ai choisi cette issue donc c’est la bonne …

 

Ses longs cheveux sentent pourtant si bon la pomme acidulée…

 

 

Justine attendit, humide, toute la nuit. Habillée de sa plus belle robe avantageuse pour  donner à voir ce si beau décolleté qui avait séduit son René ce jour de Pâques…

Ses mains si douces étaient crispées devant tant d’impatience, gelées devant tant d’angoisse à ce que René ne puisse venir ou ne veuille venir...

D’oeuf de Pâques, il n’en avait fait qu’une bouchée de Justine, de sa langue, il l’avait goûtée, léchée.

Il avait ensuite jeté le papier. A tout jamais. Pas assez logique l’Amour pour lui.

 

« René, mon adoré… »

Justine en abandonna ses croyances d’enfant. Sa bouche sèche, sans appétit, sans goût. Plus d’appétence, plus d’envie.

René, mon adoré avait jeté son ancre à elle, de son bord à lui en négligeant de lui lancer une bouée. Tirer les bords, sans vent, elle n’avait, depuis, plus de quille.

 

C’est vrai qu’il faut frapper à la bonne porte pour ne pas avoir à souffrir de ce seul être qui vous manque et à jamais. S’il vous néglige…

Logique, l’amour ? En fait oui, hyper logique, c’est toujours le plus amoureux qui perd.

Echec et mat.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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