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         Avec pour tout bagage un sac de sport défraîchit et l’air plutôt embarrassé de se retrouver dehors, Serge venait de franchir la dernière porte vers la liberté.

         Malgré les conseils qu’on lui avait prodigué, pour se mettre à son avantage, il n’avait pas cru bon de  raser sa barbe depuis trois jours. Il en était ainsi, comme s’il avait voulu avec son air hirsute, se faire une carapace pour affronter le monde extérieur avec lequel il avait perdu tout contact depuis deux décennies. Durant sa détention, Il n’avait jamais eu la moindre visite,à part celle de son avocat, qui compte tenu de son état psychologique, se gardait bien de l’informer des évènements extérieurs.

         Sept mille trois cent jours ! Il les avait compté. Il en était sûr. Sept mille trois cent jours passés en prison. Au début, il décomptait les mois, puis après deux cent dix huit mois derrière la même porte, il avait commencé à faire des bâtons sur le mur à côté de son lit, avec l’espoir tout de même que sa peine fusse raccourci. Mais elle ne le fût pas. On ne lui fit aucune remise de peine pour bonne conduite, hormis celle obtenue normalement par tout détenu.

         Arrivé, à la propriété familiale, Serge, avait bien du mal à en pousser la porte. Depuis vingt ans qu’il ne l’avait pas franchi, elle donnait presque l’impression qu’en l’ouvrant, elle se disloquerait, tombant comme un château de cartes. Même pas une chaîne pour la fermer. Quelques mètres de treillages encombrés de lierre, fixés à deux larges poteaux, semblaient être en cet endroit les seules barrières solides contre les intrus. La neige fraîchement tombée, semblait même, faire ressortir autant la pauvreté du lieu, qu’une illusoire frontière à ne pas dépasser.

         C’est donc sans mal, malgré ses craintes de voir la porte s’écrouler sur lui, qu’il pu pénétrer dans la propriété connue de lui, depuis toujours. Tous ces endroits enfouis dans son passé, qui au gré de ses pas, lui rappelaient tant de souvenirs… en d’autres circonstances, si agréable.

         La neige fraîche crissait sous ses chaussures éculées. Elle semblait ne pas avoir vu de passage depuis bien longtemps. Tout en marchant, il scrutait  avec de plus en plus d’anxiété la demeure qui apparaissait peu à peu, à travers la végétation. Tout semblait fermé, il était pourtant quinze heures. Arrivé sur le perron, il fût obligé de constater, qu’il n’y avait plus personne à habiter ici.

 

         Il  sortait de la propriété, faisant de son mieux pour fermer la porte. Alors qu’il s’éloignait, une personne vint à sa rencontre.

 

-Je suis le voisin le plus proche de cette maison. Elle est  inoccupée depuis bien longtemps, vous savez !  Recherchiez-vous quelque chose, Monsieur ?

 

-Je pensais retrouver des vieilles connaissances répondit-il, d’un air dépité.

 

Le vieil homme s’appuyat sur sa canne, hésitat un instant puis, comme sur le ton de la confidence, se lança.

 

-Mon pauvre monsieur, …c’est bien malheureux vous savez… mais, ces gens étaient de très aimable voisins. Malheureusement pour eux,  ils n’avaient qu’un fils et il a fait un mauvais coup ! Il se retrouva en prison. Ces gens étaient tellement bouleversés et honteux à la fois, par ce crime, qu’ils se sont suicidés tous les deux, quelques mois après le procès. Sur ces dernières paroles le vieil homme, le regard dans le vide, semblait marquer un silence ému… Çà doit faire bien longtemps que vous ne les aviez pas vu, ajoutât-il ?

 

-Oui, longtemps… très longtemps…

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