Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Je suis La Porte de la Maison, celle à laquelle on se présente pour les grandes occasions, sinon les habitués savent qu’il faut s’adresser à mes deux subalternes : à la porte de droite dite porte de l‘arrière cuisine pour tout ce qui est domestique  et à la porte de l’étude à gauche dans la cour pour tout ce qui est professionnel. Qui s’adresse à moi me direz vous ? Les voyageurs, les visiteurs illustres venus de loin,  les estivants - je m’ouvre largement pour leur permettre de décharger leurs nombreux bagages. Je suis là aussi pour les départs y compris lorsque l’un des habitants part pour son dernier séjour. J’ai aussi accueilli  des noces sur mon perron. Je figure toujours sur les plus belles photos vous dis-je. Il est vrai que parfois le jardin me ravit la première, mais je demeure incontournable. Lorsque je suis ouverte, je révèle un vestibule avec une belle lanterne en verre multicolore et une gigantesque armoire Lorraine en merisier, ainsi qu’un porte parapluie en fer forgé bien utile dans cette région ou tous  les nuages semblent se donner rendez vous pour pleuvoir en abondance. Je me sens protectrice lorsque les larges gouttes commencent à s’écraser sur mon tablier ouvragé à l’ancienne.

 

Les inconnus, les curieux, les démarcheurs, les gitans et les antiquaires tirent sur ma sonnette en vain : on ne m’ouvre pas à l’improviste, je dois faire l’objet d’un protocole. Qui sonne à mon huis se voit répondre par la fenêtre de la cuisine sur le côté.

 

Mes seules périodes de loisirs : les belles journées d’été : je reste ouverte du matin au soir  pour permettre à une bande d’étourneaux mal fagotés de virevolter de toute part.  Ma grande tristesse est d’être restée close de nombreuses années, de m’être sentie définitivement condamnée à l’immobilité, impuissante face aux maraudeurs, cambrioleurs, rôdeurs et voleurs qui franchissaient sans peine les fenêtres déglinguées. Quoi de pire qu’une porte condamnée. Mais un jour vint ou l’on prit soin de moi, on me décapa, me mastiqua, me repeint, me graissa, on  nettoya mes vitres en éventail, m’opérant quasiment de la cataracte et ainsi l’on me fit figurer sur toute une série de portraits avec des tas d’enfants à mes pieds, ma progéniture en quelque sorte, comme une vieille servante enserre dans ses bras les enfants de ses maîtres.

Tag(s) : #Textes des auteurs
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :