« Le samedi soir après le turbin,
L’ouvrier parisien,
Dit à sa femme pour le dessert
J’te paie le café concert ! Ah !
Viens poupoule, viens poupoule, viens….. »
Elle y était allée Simone, plus d’une fois, elle adorait le café-concert. On y guinchait jusqu’à plus d’heure. Et Riton, pour sur, il savait guincher ! Riton c’était son compagnon. Elle l’avait connu pendant la guerre ; son mari n’en était pas revenu, il était mort en Alsace, près de la frontière allemande. Elle n’avait pas retenu le nom du village, trop difficile à prononcer. Riton il y avait perdu un bras lui, enfin la moitié d’un bras, et il travaillait à la poste du village, il y faisait un peu tout et aussi le facteur.
Simone, elle l’attendait tous les jours dans l’espoir de recevoir une lettre de son homme, et puis il y eut la lettre fatale.
Elle restât seule avec son gamin et Riton s’était occupé d’elle et du petit, amicalement, puis… Les choses de la vie quoi !
Simone et Riton allaient à la guinguette tous les dimanches après-midi, il y régnait la bonne humeur, la joie. Il faut dire que les quatre années de guerre avaient été très dures pour tous le monde, et là maintenant on pouvait respirer librement et goûter enfin la paix.
Le vin blanc coulait à flots à la guinguette « chez Gégène », et aussi la bière. Quand il faisait beau, on dansait sur la terrasse. Les couples tournicotaient, et l’accordéoniste s’en donnait à cœur joie ! De la valse au tango, du tango à la java, tout ce petit monde dansait jusqu’à épuisement. Des couples se formaient, d’autres se disputaient et les enfants braillaient. Il y régnait une cacophonie inimaginable, mais l’ambiance était bon enfant. Au fil des dimanches on se reconnaissait, on se faisait des amies et aussi des amours. Des furtifs, des durables.
Et puis un dimanche, Simone croisât le regard d’Emile. Emile était marin, et pour sa première vraie permission, il était venu rendre visite à son frère avant de repartir sur les océans. Il invita Simone à danser une java, et elle sentit son corps s’électriser lorsque les mains d’Emile se plaquèrent sur ses fesses. Ils ne se lâchèrent pas des yeux pendant tout le temps que dura la java. Puis, il la prit par la main, l’entraîna vers les bords de la rivière et ils s’aimèrent passionnément, rageusement. Le temps ne comptait plus, ils avaient changé de planète.
Mais Riton, lui, n’avait rien perdu du manège, il buvait verre sur verre, faisait semblant de rien devant les copains, il avait chaud, de plus en plus soif. Une minute d’inattention et Simone avait disparu avec ce grand escogriffe ! Il vit rouge, et puis noir. Il partit en trombe et chercha les amoureux. Il les trouvât, enlacés, leurs deux corps n’en faisant plus qu’un. Il sortit son couteau de sa poche et le plantât dans le dos d’Emile.
Simone petit à petit perdit la raison. Elle l’aimait bien Riton, mais elle ne l’avait pas choisi, tandis qu’avec Emile cela avait été le coup de foudre. Le coup de poignard.
« C’est la java bleue,
la java la plus belle,
Celle qui ensorcèle,
Et que l’on danse les yeux dans les yeux,
Au rythme joyeux,
Quand nos corps se confondent,
Comme elle au monde il n’y en a pas deux,
C’est la java bleue ».