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Dehors l'orage grondait et je n'imaginais pas encore que la porte s'ouvrirait si violemment. »

En dépit de la grande peine que cela m’inflige, je vais m'efforcer de tout vous raconter en détail. J'étais malade, décidément! J'avais la fièvre, une fièvre atroce, ou plutôt un énervement fiévreux qui rendait mon âme aussi souffrante que mon corps. Devenue insomniaque, je passais tout mon temps à remuer des idées noires. J'avais sans cesse cette sensation affreuse d'un danger menaçant, cette appréhension d'un malheur qui venait. Plus tard, je découvris que j'avais raison d'être aussi anxieuse de ce pressentiment. En effet, par un jour d'automne, je fus réveillée en pleine nuit par un de ces coups de tonnerre qui font rentrer les chiens sous terre. Les volets clos de ma chambre se découpaient sur des lueurs de flash, la maison était au cœur d'un orage. A côté du mien, le lit de ma sœur Cécilia était vide. J'ai d'abord pensé qu'elle était allée boire un coup à la cuisine et je me suis rendormie. Mais quand je me suis réveillée la seconde fois, je découvris avec autant d'étonnement que Robinson rencontrant un indigène de ce territoire inconnu, que celle-ci n'était pas revenue. Soucieuse, je descendis les escaliers de bois. Pas de Cécilia à la cuisine, ni nulle part ailleurs dans la maison qui s'allumait et s'éteignait. La stupéfaction passée, la première chose que je ressentis fut la panique. La gorge sèche, l'estomac noué, j'ouvris la porte d'entrée, et bientôt, je me lançais à sa recherche, accompagnée par mes parents informés de la tragique nouvelle. Au train où allaient les choses, j'allais sûrement passer une nuit atroce. D'ailleurs, ce fut le cas et encore plus pire que ça. Errant ça et là, sous la pluie torrentielle qui frappait à grosses gouttes, nous ne nous étions même pas rendu compte du temps écoulé. C'est ainsi que nous avons passé des heures à s'acharner à la retrouver. Nous étions fatigués par une longue marche au cours de laquelle personne n'osait prononcer un mot. Jamais au grand jamais, je n'avais ressenti une telle souffrance, une telle terreur. Cela-dit, j'essayais de temps à autre, de rassembler toute mes forces et de m'armer de tout mon courage pour enfin arriver à  vociférer le prénom de ma sœur mais mes efforts se révélèrent vains. A une heure du matin, et voyant à quel point nous étions épuisés, mon père estima préférable de rentrer à la maison et de se relancer à sa recherche après le lever du soleil. Durant toute la nuit, je tremblais d'épouvante à la pensée qu'un mal pourrait bien arriver à ma sœur. Je ne sais toujours pas pourquoi, un sentiment de culpabilité me remuait les entrailles. Ainsi, les jours suivants se déroulèrent de la même façon. On ne s'autorisait à perdre aucune seconde pour la chercher et plus le temps passait, plus notre panique s'accentuait et notre espérance diminuait. Cela s'est passé il y a bon nombres d'années et jusqu'à maintenant je ne cesse de vivre dans l'espoir illusoire de pouvoir à nouveau, serrer Cécilia dans mes bras.

"Il est de jours et de lunes, des saisons et des années où la poussière efface l'entendement."

Tag(s) : #Textes des auteurs
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