Mathieu 1 : Action
Il a eu si peur de passer à la trappe… Aujourd’hui, c’est taillé sur mesure, en pur esthète, qu’il est enfin arrivé jusqu’ici. Assis sur cette chaise, il attend son tour, regarde vaciller le pendant de l’horloge, d’un bord à l’autre. Dans cette filière, on ne se fait pas de quartier. Il s’est donné à fond tous ces mois, à s’en faire péter les varices, remodelant sa plastique pour effacer cet être mièvre, comme un faux plâtre qu’il finit de briser ici.
Pas besoin de se mettre au karaté, juste l’application du visionnage de vidéo pour se modeler et reconstruire son physique en désordre.
Maintenant, pour lui, s’ouvre un nouveau volet de la vie, qui devrait lui rapporter plus que de la menue-monnaie. Il est heureux de ne plus rien à voir avec le jeune homme brouillon dont la coiffure ressemblait plus à un casque moucheté d’une colonie de points blancs. Arrivé au carrefour de sa vie, il était temps de se débarrasser de cette pellicule de mauvais goût engoncé dans un cylindre de classification merdique, où il se dispersait, prisonnier du tourniquet de son enfance, un résidu de sulfate qu’il décida de nettoyer à l’acide. Il a brûlé ses pantoufles, élagué les branchages où il ne faisait que dériver, pour devenir le synonyme de la parfaite métamorphose. Cet un nouvel épisode qui commence, loin de l’absurdité cet enfer familiale aussi stable que des pétales de coquelicots sous une bourrasque automnale. Au début, à la recherche de lui-même, il avait l’air pathétique, loin de sa nouvelle silhouette élancée et charismatique. De sa vie, il est enfin le joueur, larguant ses allures d’éléphant, dans un élan arnassier, à mordre son existence à pleines dents.
Certes, il sacrifia quelques amis dans cet appétit vorace, mais faire des sentiments n’est pas sa tasse de thé, le monde n’étant pas un lieu si hospitalier.
Ce fut un long chemin dont les vicissitudes lui évitèrent le carnage de son avenir. Grace à ses efforts, un nouveau départ va bientôt lui être offert… sans aucun rapport avec son passé.
Mathieu 2 : Léthargie
Comment Mathieu ne passerait-il pas à la trappe, sombrant dans l’anonymat urbain ?
Regardez-le, qu’aurait-il d’un esthète ?
Sa nonchalance organique fait vaciller son futur vers les bas quartiers où les cafards grouillent comme les varices de cette citée. Il est aussi malléable qu’une bouteille plastique. Son faciès est si mièvre qu’aucun moulage de plâtre ne prendrait et dégoulinerait sans retenue. Du karaté, il ne connait que les vidéos mâter avec ses potes durant de longues soirées arrosées de bière, seule substance qui sert à le modeler, au milieu de sa chambre en désordre dont il n’ouvre jamais l’unique volet roulant, ne sortant que pour gagner une misérable poignée de monnaie. Ce n’est pas un être humain, juste un brouillon qui se meut au rythme du casque de son baladeur numérique.
Il s’est trouvé un job de concierge dans une colonie de vacances, à côté d’un magasin Carrefour, auquel il accède par l’intermédiaire d’un cylindre suspendu au-dessus d’un parc pour enfant, au tourniquet rouillé. La nuit, il y est ‘agent de sulfate’, comme il dit. Un triste jeu de mots qui ne fait rire que lui. C’est une des rares occasions où il quitte ses pantoufles, en dehors de gérer les branchages de vente de ‘produits dérivés’, synonyme dans son langage « d’écoulement de biens sociaux ». Par épisodes, il se penche sur l’absurdité de son existence. Il n’a rien du frêle coquelicot qui recherche constamment l’appui du vent. Son allure est pathétique. Loin d’être élancé ou charismatique, se croyant bon joueur, il est aussi agile qu’un éléphant, ne recevant que les rires moqueurs et carnassiers de ses soi-disant amis. Sa déchéance vorace a de multiples parfums nauséabonds. Il passe du temps à observé, de l’autre côté de sa rue, toutes ces vieilles fripes au salon de thé, dont les serveurs semblent si hospitaliers.
Sa vie s’écoule sans vicissitude, la routine le conduisant doucement au carnage de son avenir, pour s’échouer sur l’écueil offert.
Mathieu 3 : Réaction (compte à rebours)
Non, rien dans la vie n’est offert. Y croire c’est s’ouvrir au carnage et aux vicissitudes dégradantes dans ce monde peu hospitalier. Il y coure autant de misères qu’il y a de variété de thé. Certes, l’ambition est vorace et se connait peu d’ami, mais il faut avoir un appétit carnassier, prêt à engloutir tout un éléphant, pour en devenir le joueur charismatique et adulé, dont la démarche élancée écrase la classe humaine pathétique, loin du charme fragile d’un coquelicot qui essaye de résister au temps avec absurdité.
Pourquoi n’inscrire sa vie qu’en épisode synonyme de médiocrité, se laissant dériver sur les branchages bas de cette société ? Non, il est temps pour lui d’abandonner ses pantoufles et de traiter au sulfate de soude, son triste passé. La vie n’est pas un simple tourniquet, il suffit parfois de faire sauter ses œillères, de s’extirper du cylindre qui sert de carcan à son envol pour ouvrir sa route vers le nouveau carrefour de sa destinée. Les choix grouillent, pire qu’une colonie de fourmis, pour peu que l’on se débarrasse du casque obtus dont vous affuble le manque d’éducation. La vie, jusqu’ici, ne fut qu’un triste brouillon, un rebut de monnaie sans valeur. Il est temps d’ouvrir le volet sur un devenir sans désordre, de se modeler un autre esprit, d’effacer ces stupides relation comme de vieilles vidéos altérées, il faut le mental d’un champion de karaté pour briser ces couches de plâtres mièvres, troquer ce cerveau en plastique aux varices conditionnées par la sphacèle de ces quartiers contre une mentalité de fer.
« Mon dieu, j’ai bien failli vaciller vers la déchéance totale. Mais aujourd’hui, c’est en esthète que je me clame, refermant sur ce morne passé, la trappe. » Pensa-t-il, tout haut.