Je suis un esthète. Alors je fais péter les varices, entendez par là que je donne le maximum de moi-même pour professer le culte du beau. La recherche du raffinement et de la beauté dans l’art m’obsède. Mais suis-je un artiste pour autant ? Toujours est-il que je préfère le plâtre au plastique, car j’aime le souci du détail et la poésie du relief. Le plâtre, je le modèle, je le façonne, je le fais vivre sous mes mains alors que le plastique est un corps plutôt mièvre, qui manque de force, de vivacité. C’est un peu comme si on amputait le karaté de tous ses codes. L’art résiste mal au fade et sachez que la mauvaise monnaie chasse la bonne. Le plaisir esthétique que procure le beau pourrait faire vaciller n’importe quel être humain car il exalte l’imaginaire. Et l’imaginaire, c’est un bout de notre enfance qui est passé à la trappe. Aucune vidéo, même de technologie récente ultra moderne, ne pourra jamais vous procurer des images aussi belles et aussi fortes que ce que pourrait vous apporter l’Art. C’est comme si vous regardiez un seul quartier de lune, vous ne verriez alors qu’une moitié de face. Or l’art est un ensemble de faces que seul celui qui cultive le beau peut apprécier. Dans l’ordre ou le désordre, peu importe. Le beau peut souffrir d’incohérence et d’illogisme. C’est même parfois dans le désarroi, le trouble ou les émois passagers de l’artiste que l’œuvre porte ses plus beaux habits de noblesse. Proust disait « Un amateur d'art à qui on montre le volet d'un retable se rappelle dans quelle église, dans quels musées, dans quelle collection particulière les autres sont dispersés ». Le concept du beau, c’est de le laisser jaillir en nous comme un véritable Art Poétique. Voir « beau », penser « beau », vivre « beau », pour moi, esthète de nature, c’est reconnaître la présence d’une vie, et accepter d’en perdre la conscience.