(extrait des "penseurs de misères")
Penseur de misère #1
Il y a comme une joie qui se fredonne,
Comme un son oublié,
Comme un souffle qui n'échappe à personne Résonnant à travers les années.
C'est un air emporté par le vent,
Bercé par l'oubli du temps,
Un espoir assoupi qui résonne,
Une douleur endormie qui frissonne.
Le penseur de misère s'en va autour
Livrer ses messages, troubadour,
Tout en douceur, sa voix s'infiltre
A travers les douleurs embuées aux vitres.
Comme aux temps anciens. Un petit être parcoure les routes pour distribuer ses flocons de bonheur et dissiper les doutes.
Il pleut sur ce village d'automne. Pluie fraîche et lourde qui, dans sa hâte d'arroser, oublie les chemins embourbés de crasse et de croûtes aux yeux étincelants chamarrés.
Les seigneurs hautains n'ont que faire de ce menu fretin emmailloté dans leurs erres. Cannes en bois, jambes lourdes argiles, enfant et froid sont engloutis au fond des villes où leur saveur est aux abois.
Lui, avance doucement sur le chemin,
le nez au vent et l'air serein.
Il marche léger, sans presque rien,
qu'un peu de paix, de doux refrains.
De grimaces en feu de joie, pourtant, les enfants s'amassent les jambes en croix.
Les vieillards se comptent et se racontent les jours sépia de leur espoir au temps. Ils étaient sains avant que l'épuisement des guerres ne corrobore le fait qu'ils n'aient pour tout crédit que leur souffle, leur foi et leurs envies.
Yeux émerveillés, écarquillés, les encensent à faire rire, à dévoiler leur histoire qui, si elle les étrilles, ne les fait pas moins vibrer.
Leurs voix ne sont que chaleur, cris de joie, plaisirs désirés et réconfort aux soins de leur assemblé.
Semblant de bonheur en ces doux moments lovés, réchauffe les cœurs et dessine des sourires épurés.
Sous le fluide de cet automne, sur le chemin s'est dessiné le ru que ne retiennent les arbres des forêts.
Lui, marche toujours sans fin sur cette route molle, ne se souciant de rien, même de la bruine se délivrant sous ses pas.
Le village, au pied du château, ne se détache de l'horizon que par l'humeur chantante de sa population. Ici la vie ne se meut qu'au jour le jour, versée aux hymnes des saisons depuis tant d'années, tant de générations. Eux, à la terre attachés, leurs maîtres sapant leurs ambitions.
La pluie redouble ainsi, affolant le limon, grossissant les prairies, aspirant les vallons.
Au village endormi, les enfants rêvent avant tout, blottis en leurs couches salies par des années de défection.
De son pas nonchalant, le petit être avance inexorablement, dessinant de son souffle embué des arabesques absconses qui plutôt que de s'évaporer, s'invitent en oraisons.
Au village, emmitouflé de sa frilosité, s'inquiètent quelques bêtes, livrées en leur dispersion à leur simple destiné. Certaines fuient, rouant le silence de cris, dans un vacarme assourdit par l'orage qui s'enfle comme une rivière sans lit.
La terre suit sa folie insidieusement et s'implique en son coulis.
Lui qui en rien ne frissonne, aperçoit les premières demeures engourdis, sans un soupçon.
Ses pas s'élèvent alors, comme la terre ruant dans le décor, s'envoûtant des larmes du ciel, de boue et d'arbres brisés.
Il entame une mélodie élevée, faisant en sorte que personne ne soit effrayé.
Le grondement est soudain, poussant son cri insipide.
Des maisons il ne prend soins, écrasant en son chemin tout ce qui s'y dresse. La brusque levée s'écrase au pied de la muraille, ne faisant vibrer que le lierre endeuillé par la pestilence de la piétaille.
Lui, recueille les soupirs échappés
au cœur de la furie passée.
Il n'aura pu ici que les âmes réconforter pour les guider en chemin, sans la moindre iniquité.
Le petit être, ange des saisons, en ses larmes accueille ces affres de déraison, regardant déjà ailleurs…