Je me souviens de cette nuit du onze no-membre où le cœur de mon crayon à papier s’est brusquement réanimé, je l’ai senti m’attirer, frémir, puis battre une cadence linéaire sur cette feuille de platane tombée à mes pieds !
Des mots pulsaient de sa pointe en rythme binaire, et au fil des nervures s’inscrivaient des lignes plus sombres ; ces arborescences m’invitèrent à explorer mon arbre génialélogique actuellement dépourvu de toutes ses feuilles, hiver oblige.
La dernière était la mienne, celle-là même que mon crayon biffait maintenant pour la première fois.
La première fois de moi, ici parmi vous.
je n’en menais pas large, mais l’important n’était-il pas d’en respecter les contours si finement dentelés, d’explorer l’entièreté de sa surface, de ne pas en percer la toile , et d’y coucher la mine délicatement affûtée ?
Quelle tâche allait lui correspondre, et l’inspirer ?
- La première fois à découvrir tout en douceur, en pudeur, parmi vous !
-Une première de rêve,
-Une première de classe,
-Une première rencontre
-Une première grand-mère nouvellement née,
-Une autre lointainement envolée, enrubannée de tous les siens,
-Une première mer,
-Une première amère déflorée,
-Une première nuit seule, mais adoptée, dans un beau lit,(sans mille patte dedans),
-La première neige qui recouvre le paysage d’un voile immaculé où tout peut s’inscrire comme au premier jour,
...Enfin toutes ces premières lectures décryptées en silence et en plénitude de l’élan retrouvé …
Sur ma feuille je vois toutes ces premières fois torturées s’estomper et le temps faire peu à peu son œuvre ;
miracle du partage offert et reçu.
L’aube est née.
La nuit noire du onze est devenue blanche au douzième degré.
c’est un signe.
Le crayon issu de l’arbre bien taillé écrit sa première œuvre créative sur l’atelier.
Hors du temps je m’en suis allée surfer sur cette première vague .les mots se sont alignés l’un après l’autre, tranquillement, puisqu'ils pouvaient être effacés d'un coup de gomme, s'envoler d'un coup de vent,
alors voici ma feuille de platane entièrement jonchée de paraphes à deviner qui s'élance vers vous si le cœur vous en dit...
Pleins et déliés, voyez, au loin un crayon a cessé de faire grise mine et a retrouvé ses couleurs.
Merci.