Léopoldine était une petite fille pauvre. Elle vivait dans un village reculé, où l’hiver était plus froid encore que ceux que nous connaissons dans nos contrées. Un village triste où les nuits ressemblent aux Ténèbres. Des gouttes de glace s’accrochaient à ses guenilles comme les poux sur la tête d’un pouilleux. Pendant que les autres enfants allaient à l’école, elle passait le plus clair de son temps à ramasser des brindilles de bois qu’elle rangeait en fagots pour les porter jusqu’à la cheminée de sa maison. Ses parents, malades, se reposaient sur elle. Devant le feu, pour estomper leurs douleurs, elle aimait leur raconter des histoires qu’elle inventait au fur et à mesure qu’elle s’égarait dans son imaginaire.
Elle rêvait d’une autre vie, d’autres terres plus accueillantes. C’était Noël. Elle avait décoré la pièce principale de vieux draps, les vieilles tuyauteries faisaient office de guirlandes et une antenne télé, de sapin. Avec son imagination, elle avait réussi à reconstituer une vraie ambiance de Noël. Elle avait demandé à ses parents de fermer leurs yeux un instant et de les rouvrir une fois qu’ils auraient senti monter en eux un souffle de bonheur. « Imaginez d’abord le décor, avait-elle dit : des rues enneigées, des sapins de Noël pétillants de vie dans chacun des foyers, et de nombreux chaussons «. Ce jour là, dans la modeste demeure, après avoir écouté leur petite fille avec constance, ils se sont tous envolés... oui, envolés vous dis-je, vers le Merveilleux. Ils se sont retrouvés sur une montagne majestueuse, toute de blanc vêtue, et le soleil réchauffait leurs mains... Au bord de la grève en contre bas, un petit ruisseau aux allures fantasques entamait une sérénade qui les transporta jusqu’à la Vallée des Ames retrouvées. Ce petit vallon était un endroit empli de friandises, de maisons en pain d’épice et de nombreuses autres gourmandises, où vivait Citrouilon, un lutin espiègle et facétieux, d’allure gracile, que Léopoldine connaissait bien pour l’avoir déjà rencontré à plusieurs reprises dans ses rêves.
- bonjour Léopoldine, comment vas-tu aujourd’hui ?
- Je voulais te présenter mes parents, ils sont malades, dit-elle tristement.
Citrouillon sorti de son escarcelle une petite bobine de fil doré.
- Tiens, déroule ce fil et cous le sur ce canevas, en dessinant ton plus beau rêve, reprit Citrouillon. Demain c’est le solstice d’hiver et l’on dit que, si tu y crois très fort, le dessin du canevas peut se transformer en réalité. Mais n’oublie jamais d’où tu viens.
Lorsque Léopoldine termina son récit, ses parents rouvrirent leurs yeux, le décor avait changé : une grande maison les abritait, leurs vêtements étaient propres et reluisants, et surtout, ils n’étaient plus malades. Des perles de bonheur roulaient sur leurs joues.
En contant cette histoire à ses enfants, plusieurs années plus tard, Léopoldine se souvint alors tout le chemin parcouru jusque là et une larme glissa le long de sa joue tandis qu’un petit lutin tourbillonnait en cachette au-dessus d’elle.