Ils formaient tous un cercle au milieu de la forêt dense et profonde. Entre les arbres, tous se tenaient la main. Chacun bien conscient de son destin. Chacun en proie à des doutes qu’ils essayaient d’ôter de leurs pensées. Le silence était absolu. Chacun caché derrière sa propre mémoire, à faire le bilan de sa vie.
Le chef des Urubayus commença alors à répéter à voix haute l’incantation, et rajouta :
- Forêt de ma vie, forêt de ma foi, devant toi je m’incline, et je laisse entre tes mains le destin de mes fidèles. Au milieu de nous, se trouve un étranger ; Accepte-le dans ta communauté. Qu’une pluie intense lave notre île de toute mauvaise pensée et ranime à jamais l’amitié de nos peuples ; que mon père, défunt, soit béni. Que le bonheur redore nos esprits et que notre esprit garde à jamais en mémoire tes richesses et ta bonté.
Istamy marqua un temps, et se tourna vers les siens. Son regard était empli de sagesse et de reconnaissance pour ce peuple qui lui avait apporté tant de moments intenses et vrais. Une lumière luisait dans ses yeux. Uriel pensa que lui, au moins, ne doutait pas. Il était tellement sincère dans son approche, tellement croyant ! En même temps, quelques doutes emprisonnaient les pensées d’Uriel. Il avait du mal à imaginer qu’à des milles de Marseille, au XXIème siècle, vivait encore un peuple en totale harmonie avec la nature, avec des croyances profondément ancrées, qui allait peut-être le sortir d’une impasse. Le regard d’Euxane, les yeux soudain noirs et les sourcils froncés, le ramena brutalement à ses avertissements : surtout ne pas douter. Laisser faire la nature. Ne pas fuir... ne pas fuir... pas cette fois.
Istamy jeta un regard profond vers les siens pour leur signifier qu’il était prêt. Tous n’avaient d’yeux que pour lui. Leur unique espoir. Il sortit de sa sacoche un petit objet en terre cuite muni de part et d’autre d’une série de quatre trous. L’ocarina que tenait Istamy dans sa main droite semblait venir d’un autre âge, d’une autre ère, voire d’une autre dimension. Il entama un son, puis un deuxième, et il en sortit ensuite un timbre aigu et perçant qui fut le signe pour chacun de commencer alors à répéter en boucle dans sa tête la phrase que le grand chef avait prononcée à l’orée du bois.