Assise sur le perron de ma vieille bâtisse, j’observe le jardinier qui coupe, qui taille et qui débarrasse les rosiers des mauvaises herbes, tel un coiffeur qui redonne un coup de fraîcheur à une chevelure hirsute et revêche. Je savoure un instant la douce brise qui caresse mon visage, je ferme les yeux et je tremble un peu. Et si elle ne revenait pas ? Je regarde au loin et voit le feuillage des arbres se mouvoir doucement sous cette brise. Je rêvasse un peu et me rappelle mes jeunes années, lorsque j’étais encore belle et pleine d’énergie, les vestiges d’une vie bien remplie. Qu’en reste-t-il au final ? Pas grand-chose, les années qui passent nous effeuillent telle une marguerite à laquelle il ne reste plus que la partie centrale sans les pétales. Les souvenirs sont notre kaléidoscope intime, reflétant les moments agréables, nos erreurs, nos regrets, nos anciens amours passionnés, nos amis, notre famille, le tout scintillant en mille couleurs chatoyantes puis nous ramenant inexorablement dans la médiocrité du présent. J’ouvre les yeux et je souris. La voilà ! Je la regarde avec son air renfrogné, elle avance avec une telle fainéantise mais je l’aime tant. Elle traverse le jardin et vient se frotter à moi et enrouler sa queue autour de ma jambe. Nous rentrons à l’intérieur, elle me suit jusque dans la cuisine, aujourd’hui je n’aurais pas à utiliser la clochette pour lui rappeler qu’il est l’heure de dîner…Chipie me regarde en miaulant pour me remercier de ce repas gourmet.