J’ai parcouru beaucoup de chemins, suivi de nombreuses directions, emprunté divers itinéraires. J’ai exploré des endroits que d’autres avaient visités avant moi, mais j’étais porté par l’idée qu’il restait toujours quelque chose à découvrir. D’autres fois, je me disais que chaque regard est unique, et qu’il suffit à transformer un lieu commun en un nouveau paysage.
Le trajet n’a pas toujours été facile, mais je me suis accroché. J’ai été jusqu’au bout, toujours fier à l’arrivée, et déjà nostalgique de ne plus être dans le mouvement. Avec très vite, l’envie de repartir… Alors, je me préparais, décidais de la destination, dressais soigneusement la liste de ce dont j’aurais besoin, et quand je me sentais paré pour l’aventure, je m’élançais, sûr que cette nouvelle traversée m’apporterait son lot de surprises et de découvertes.
Et puis un jour, alors que je cheminais depuis des semaines sur des sentiers irrévélés, mais pourtant familiers, je me suis soudain arrêté, incapable d’aller plus loin. C’était comme si le paysage, devant moi, s’était effacé. Dans les premiers temps, j’ai cru qu’une espèce d’épais brouillard avait enveloppé toute chose dans son voile de coton, qu’il allait finir par se lever, que mon monde retrouverait sa dureté brute et minérale… mais la vérité, c’est qu’il n’y avait plus rien. Même pas le désert, parce qu’un désert, c’est palpable, alors que je n’avais sous mes pas que le vide.
Je ne sentais plus l’appel et ma propre voix semblait ne porter qu’à la limite de ma bouche. Le temps s’écoulait et rien n’évoluait. Devant moi, le même vide sans forme, sans dimension ; derrière moi, cette chose inachevée sur laquelle je n’avais plus de prise. J’étais arrivé à cet endroit où, comme la femme de Loth, mon stylo s’était transformé en statue de sel…