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Chose étrange, s’il en est, Joséphine et Eugène ne se connaissaient pas. Dame ! Entre eux, trônait le Puy de Toul culminant à 250 mètres alors que l’un et l’autre résidaient à mi-côte de la montagne qui, vue de loin, ressemblait à une taupinière.

L’Eugène était plutôt tourné question escapade vers les Quatre-Routes où il y trouvait aisément son tabac et le bistrot où il se désaltérait raisonnablement.

Quant à la Joséphine, elle fréquentait Vayrac fournisseuse de toutes les menues bricoles dont elle pouvait avoir besoin. De plus, elle était une des voix incontournables dans le choeur des bigotes qui chantaient la messe.

A leur insu, ils réunissaient un point commun dont ils s’accommodaient fort bien : la boiterie … Autre partage involontaire, ils étaient l’un et l’autre affublés de sobriquets appropriés que le bon sens proverbial des gens des piémonts leur avait attribués sans arrière-pensée et avec bon sens.

Respectivement, c’était Clïn – Claou et le Dahu.

L’Eugène avec sa patte gauche raccourcie grimpait toujours son pacage à l’instar du Dahu, ce qui à l’évidence, rendait nettement moins visible son boitillement, la jambe plus courte du côté haut de la pente. Je ne saurais point vous dire s’il redescendait en reculant pour conserver cet avantage …

Quant à la Joséphine, la boiterie puisait sa source dans les hanches. Inégalité de longueur des membres inférieurs ou insuffisance musculaire du moyen fessier étaient-ils à égalité responsables de sa claudication ? Le menu peuple ne trancha pas le débat … Clïn – Claou, Clïn – Claou chantait la paire de sabots sur les chemins et jusque sur le parvis de l’église ; voici comment Joséphine devint Clïn-Claou …

Avec leurs habitudes respectives dans les bonnes villes des Quatre-Routes et Vayrac, ils étaient parvenus à la quarantaine bien sonnée sans se rencontrer, mais ce jour – là …

Ce jour-là, un certain 11 novembre, à mi-chemin des deux localités quercynoises, très précisément Saint-Michel-de-Bannières, était donné un spectacle qui ne pouvait manquer d’intéresser les résidents locaux et même au - delà, les « montagnards » du Puy de Toul.

Qualifié de spectacle vivant, le vieux village recevrait des acteurs qui, dans une parfaite immobilité et habillés comme lors de l’Armistice de 1918, rappelleraient des scènes symboliques, tels retrouvailles de fiancés, de couples, de parents, mais aussi le terrible télégramme porté par le Maire et les gendarmes annonçant un ultime « Mort pour la France ».

C’est au pied de l’église que se produisit la rencontre de Clïn-Claou et du Dahu, alias Joséphine et Eugène, l’une désirant prier pour le repos de l’âme des sacrifiés de la Grande Guerre, l’autre salivant déjà à l’idée du canon de rouge qu’il allait se jeter à « La Table du Fermier » où l’on pouvait à l’envi se désaltérer.

Sans doute se seraient-ils ignorés si Gustou, une connaissance commune, ne les avait pas présentés l’un à l’autre, et farceur impénitent, avait lancé :

- Marida – vous ! Marida - vous ! Mariez - vous. Unissez vos misères. Et au cas où, je veux être parrain !

Me croirez-vous ? Pile poil, un an plus tard, en l’église Saint-Michel de Saint-Michel-de-Bannières, ce fut un beau mariage …

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