P243 Gisèle – Nouveau départ

Elle n’avait emporté que ce qu’elle avait sur elle, et quelques bricoles – du pratique, rien de sentimental. Elle quittait pour recommencer une nouvelle vie ailleurs et oublier ces trois années infernales qu’elle désirait oublier. Elle partait en catimini, avait tout planifié jusque dans les moindres détails. Elle ne pouvait louper son coup sinon elle en paierait de sa vie elle en était convaincue. L’avenir lui apparaissait flou, tout à fait imprévisible. Elle s’en fichait, ce qui comptait le plus c’était de fuir. Fuir loin. Fuir la violence physique, la violence verbale. Anéantir la peur qui lui broyait les entrailles. Reprendre confiance en elle. Retrouver son estime de soi. Renouer avec celle qu’elle était avant. Avant de le rencontrer. Avant de tomber amoureuse de lui. Avant de devenir sa proie. Avant de subir. Avant de ramper. Avant de commettre l’irréparable. Surtout, avant que lui ne commette l’irréparable.

 Dès qu’elle ressentait un moment de doute, elle repensait aux affronts subis, aux insultes reçues, aux crises de jalousie non justifiées, aux coups reçus, à la peur qui lui tenaillait le ventre, aux menaces proférées.  Elle retrouve alors le courage, celui de mettre un terme à cette existence qui n’en n’était pas une. Sa vie filait entre ses doigts, elle se devait de la récupérer et de chercher l’harmonie qu’elle désirait plus que tout.

 Elle fila directement à l’aéroport, abandonna sa voiture dans le stationnement, passa au comptoir d’enregistrement, traversa les barrières de sécurité et s’assit dans un coin reculé de la salle d’attente, celle de l’embarquement. Un soupir de soulagement, elle avait réussi sans qu’il n’interfère. Son téléphone indiquait 8 messages auxquels elle n’avait pas répondu. Des messages d’un homme furieux qui lui disait qu’il la retrouverait peu importe où elle se trouverait. Il lui ferait payer sa désertion.

 Elle entend l’appel pour l’embarquement et se faufile rapidement dans la file. Une fois bien assise dans son siège, elle comprend qu’il n’y aurait plus de retour en arrière. Elle se sent libérée et confiante pour un avenir meilleur. Une amie vivant à l’étranger l’attendait et l’hébergerait le temps qu’il faudrait. La seule qui avait crû en son histoire.

 Elle avait bien essayé de demander de l'aide, de prévenir sa famille et ses amis et même ses collègues de travail, sans succès, tous minimisaient ses dires et l’accusaient d’exagérer les événements. Voilà ce qui arrivait lorsqu’un bourreau avait une vie publique et était apprécié. Les monstres ne se dévoilent parfois que dans l’intimité. Elle avait donc agi seule et de manière drastique parce que personne n’avait rien compris.