C’était un été, il y a pas mal d’années, j’étais en vacances chez l’oncle Philippe. Sa maison était en Normandie dans un petit village charmant. Le Clair Logis, était au bout d’une petite avenue, avec vue sur des champs et du bocage. De splendides pommiers meublaient une pelouse juste devant l’entrée. Un ruisseau coulait au bout du jardin, que de bons souvenirs lors de la chasse aux grenouilles avec un chiffon rouge ! L’ensemble était constitué d’un bâtiment principal, d’une dépendance et de son atelier. En effet mon oncle restaurait les vieux tableaux. Vous pouvez voir quelques toiles qu’il a conservé, travail non terminé ? Ou leur propriétaire lui en ont fait cadeau ? J’en parlerai après car chaque tableau à son histoire.
Je me souviens de l’atmosphère qui régnait dans ce lieu, où il mettait du temps pour trouver la bonne teinte, l’odeur de la peinture à l’huile si caractéristique ! Il était très méticuleux et avait une superbe collection de pinceaux en poil de chèvre, poil de martre ou soie de cochon, poil de chameau. Il avait un gros bocal de pinceaux, tenu verticalement, chacun avait son utilité. Il me disait dans quel cas utilisé tel poil ou tel autre. C’était son domaine. A l’époque les poils synthétiques n’existaient pas, puisqu’ils sont apparus en 1975.
Il les achetait chez Raphael, le plus ancien fabricant de pinceaux. Une vraie religion le pinceau !
Il aimait aussi lire, isolé du reste, au calme. C’était sa petite bibliothèque car une autre se trouvait dans le bâtiment principal. La peinture des murs a besoin d’être refaite, mais je me souviens qu’il me prenait par l’épaule et me disait : regarde autour de toi petit …Tu es en mer d’Iroise…Il avait un amour de la Bretagne et reconstituait un environnement pour s’en imprégner. Le temps ne peut effacer ce si joli témoignage. Le meuble que l’on voit comportait quelques verres et surtout de bonnes bouteilles de cognac, calvados et whisky. Il y entreposait aussi ses peintures, cadres, et toutes sortes d’ustensiles.
L’hiver malgré le poêle un petit remontant était le bienvenu…
La toile sur le chevalet est celle de la Marquise de Besle , personnage du dix-septième siècle ayant vécu dans un château situé à quelques kilomètres du village. Le château était resté fermé de nombreuses années, sans entretien, des toiles avaient été mise en dépôt chez mon oncle par la mairie. Les héritiers ne pouvant financièrement continuer à entretenir un superbe mais trop vaste édifice.
Des pillages ayant eu lieu dans les années 60. Mon oncle avait restauré certaines toiles, en remerciement on lui fit cadeau de celle sur le chevalet.
Accrochée au mur, c’est le tableau de ma tante, son épouse, il aimait le caractère religieux que donnent certains vêtements. Il la voyait en religieuse il faut dire qu’elle s’occupait de lui comme une sainte.
La toile du fond restera une énigme. Elle était déjà là du temps de mes vacances, mon oncle travaillait dessus régulièrement et semblait lui donner du fil à retordre. Des personnages étaient cachés dans cette toile, il fallait la regarder sous différents angles pour les voir apparaitre. Un peu comme du Dali. Tu sais petit, c’est technique ce tableau-là, celui qui l’a peint avait du génie me disait-il !
Comme c’est étrange, ce phénomène de la mémoire qui survient lorsque l’on fait du rangement et que l’on tombe sur une vielle photo du même lieu. Le temps aux plus belles choses se plait à faire un affront comme dit la chanson de Brassens.
J’oubliais les deux fauteuils, ou nous nous asseyons les soirs d’été, pour venir prendre un peu de fraicheur, vu la hauteur de plafond la pièce restait fraiche. Le petit cadre, juste à droite du meuble, est une vielle photo de famille, sur laquelle les parents et frères de mon oncle, dont mon père figurent.
Ma tante était également couturière et on aperçoit sa machine Singer contre le meuble. Elle confectionnait les chemises et des robes. Je la revois activant par ses pieds le moteur de la machine.
Elle venait dans l’après-midi, elle disait que cela lui procurait une détente.
Hélas, les disputes dans la famille, n’ont pas permis de trouver une solution pour régler la succession.
Dix ans déjà que le Clair Logis n’est plus entretenu…C’est triste de voir ce bâtiment à l’abandon…Grâce à ce texte je l’ai fait revivre.