Comment dire : coiffé en brosse, petite moustache, peu souriant, taiseux.
De son temps, dans l’Est de la France, comme ailleurs, on ne parlait pas. On confinait larmes et rires. Fils de paysans. La terre dure. Les assiettes pas toujours pleines. Les paroles rares. Cinq années de captivité ont figé cette apparence froide, certainement salvatrice, peu étant revenus des camps.
Comment dire : grand, sec, marcheur.
De son temps, dans l’Est de la France, comme ailleurs, on ne courrait pas, après le métro, le train, le temps. On ne courait jamais. Marcher était signe de sagesse, courir d’imprévision. Le seul déplacement sans marcher était quand on vous emmenait au cimetière.
Comment dire : sévère.
De son temps, dans l’Est de la France, comme ailleurs, l’éducation était rude. Seul le travail comptait. Inconnu le babillage à table de nos actuels chérubins. Les quatre coins des pièces étaient souvent occupés, claques à l’appui si la comprenette était lente.
Comment dire : méfiant (surtout des militaires).
De son temps, dans l’Est de la France, comme ailleurs, enfin peut-être pas, on avait la mémoire longue et rancunière. Les tranchées froides et boueuses, les charges à la baïonnette pour quelques ares inutiles. Les ordres et les contre ordres de l’état-major incompétent et loin du front. La retraite inorganisée des armées. Les camps de prisonniers, les travaux forcés. Les camarades tombés.
Comment dire : avec des principes.
De son temps, dans l’Est de la France, comme ailleurs, mais pas forcément partout, on respectait la République, la Fraternité, l'Égalité, bercé par les images d’Epinal de travail, de droiture, de respect, d’honnêteté, de camaraderie.
Comment dire : aimant la nature.
De son temps, dans l’Est de la France, comme ailleurs, on ne vivait pas à la campagne, la campagne était la Vie. Aucun secret ni sur les sentiers, ni sur les ruisseaux sources de jeux et de pêche (notamment à l’écrevisse), ni sur la flore ou la faune. On ne touchait à la nature que pour les besoins vitaux et avec respect.
Comment dire : comme il a pu.
De notre temps, dans toute la France, comme ailleurs, nos parents ont fait comme ils ont pu pour nous éduquer. Ils ont semé ce qu’ils savaient. Bien sûr, le camion de pompiers a remplacé la mandarine de Noël, le vélo la marche à pied. Les pièces de notre enfance ne devaient plus avoir de coins. La gifle était une caresse (pas toujours). Sous cette carapace, qui savait écouter entendait le cœur de mon vieux battre pour nous.
Merci Papa.