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Sirius avait, pendant soixante-dix ans, vécu sans se révolter la vie qui lui avait été prescrite. Une vie dictée, formatée par son thème astral — si on veut bien y croire un peu —, par son cadre familial et son histoire— et la psychologie du XXe siècle en est toute fondée —, par son cadre socio-culturel — la savante sociologie en a fait tous ses discours.

Il avait travaillé, errant un peu dans des professions liées au soin, mais n’avait jamais trouvé vraiment la voie qu’il aurait pu suivre sans la moindre réserve. Il avait fondé une petite famille qui désormais suivait ses propres chemins dans un monde incertain et en changement.

De ses années de labeur, passée à s’occuper des autres, ou plus précisément surtout à prendre soin des besoins de son entourage, il gardait le souvenir complexe d’une vie passée inaperçue. Une vie qui ne laisserait aucune trace réelle, définie, dans le souvenir des autres, une vie qui, à ses propres yeux, ne comptait pas, car dans son sentiment profond, il ressentait que quelque chose de lui ne s’était jamais réalisé.

C’était bien le paradoxe de son prénom, dont le choix restait un mystère pour lui. Un prénom rappelant l’étoile la plus brillante de la voûte céleste de la Terre. Brillante la nuit, invisible le jour, masquée par la lumière resplendissante et éblouissante du soleil.

Et oui, Sirius, aussi brillante sois-tu, le soleil te masque.

Et oui Sirius, aussi brillant sois-tu, ton égo, trop ou pas assez affirmé, et relègue dans les profondeurs de la nuit.

Alors Sirius a décidé d’abandonner les affaires du monde, reconnaissant qu’il s’était, sa vie durant, occupé, à tort ou à raison, des affaires des autres, parce qu’au fond, les siennes, les affaires terrestres, matérielles, le pouvoir sous ses différentes formes et avatars, ne l’intéressaient pas, et même ne le concernaient pas.

C’était une prise de conscience, tardive, mais puissante, venant clôturer des décennies à faire, pour combler et masquer, plutôt qu’à réfléchir la réalité et la puissance et la plénitude du vide.

Fort de cette conviction, Sirius a rangé ses affaires, mis de l’ordre, réparti ses biens accumulés entre sa famille et quelques œuvres œuvrant vraiment.

Il a quitté son appartement, sa ville, et s’est retiré dans une sorte de monastère où lui, le laïc, a été accueilli tout à la fois pour consacrer tout son temps à la méditation et à des travaux modestes et manuels au service de la communauté silencieuse.

Sirius a rejoint la nuit, cet espace où les étoiles, même les plus modestes, brillent de tout leur feu sur la toile noire de l’infini.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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