Depuis ma plus tendre enfance, je suis un Limougeaud, plus précisément un Ponticaud, un de ceux à qui il valait mieux ne pas chercher noise. Ne nous disait-on pas adeptes de ce chauvinisme : " si tu sei d'au pount, passo, si tu n'in sei pas, a l'aigo "*. Ça effrayait le bourgeois … et faisait bien rire le populo.
C’est de cette époque qu’est né mon intérêt pour le bâton. J’en voyais deux sortes ; celui de l’agent de ville et la grande perche avec laquelle on manœuvrait les barques à fond plat lors de joutes mémorables où un certain nombre d’entre nous finissait à la baille.
Quant au bâton blanc de l’agent de ville ? Ces vaches-là, ils nous en alignaient quelques coups bien sentis à la suite de peccadilles du style caillassage d’ampoules et autres réverbères de l’éclairage public.
J’ai quelque nostalgie de cette époque, le temps de l’insouciance, le temps de l’enfance et de l’adolescence… Par la suite, comme tant d’autres, je suis devenu porcelainier et là, c’était bien fini la casse pour rigoler. Forcément, la porcelaine, c’est fragile. Et en guise de bâton de maréchal, voilà qu’on m’a filé mon congé. Alors, j’ai pris mon bâton de pèlerin avec dans la poche ma carte bleue sur laquelle il y a quat’sous. De quoi aller jusque chez MBP à Barcelonnette là, où je vous le donne en mille : on y fabrique des bâtons de maréchal !
J’ai une autre adresse pour ce produit exceptionnel ; c’est dans le 06, mais il faut que je transite - c’est la consigne ! - par le 34, plus précisément à la faculté de Droit de Montpellier afin d’approfondir la matière juridique, la réflexion fondamentale, la culture juridique et l’exercice de l’esprit critique. Concernant le bâton de maréchal, l’esprit critique s’impose, ne serait-ce que pour contredire celles et ceux qui considèrent ma passion pour le bâton de maréchal comme un TOC **. De là à dire que je suis toqué … Tu le sais, hein, Albert que je suis un peu banturle***, mais pas complètement déboussolé, Hein ?
- Oui, Jeannot, ne te laisse pas distraire : c’est quoi ton autre destination ?
- Mougins dans le 06…
- Je parie qu’on y fait aussi dans le bâton de maréchal !
- En plein dans le mille, l’Albert, mais rien à voir avec celui de Barcelonnette, quoique …
- Quoique ?
- Couac *** ? Non, à mon avis, ni à Barcelonnette ou Mougins, on n’utilise cet ingrédient-là.
- Jeannot, je pense qu’il y en a un qui mériterait toute ton attention …
- Oui, j’y ai bien pensé, mais dans l’Armée française, depuis le Maréchal Koenig mort en 1984, ils n’en ont pas désigné d’autre. De ce côté-là, l’horizon est bouché. Mais dis donc, l’Albert, tu te foutrais pas un peu de ma figure ?
- Pas du tout, mon Jeannot… Mais fais quand même gaffe au soleil, il pourrait te tourner la tête.
L’Albert m’avait convaincu de l’intérêt à poursuivre mon chemin sans me laisser dévier de ma route.
Tiens, des pèlerins ? (…)
Vous vous en doutez : il y a une suite. Si on demande gentiment, peut-être que ... ?
Un lexique aurait-il quelque utilité ?
* si tu es des ponts, passe, si tu n'en es pas, à l'eau !
** Banturle n.f.).- Personne qui perd son temps, qui met beaucoup de temps pour faire des choses mineures
***TOC Trouble obsessionnel compulsif
**** Le couac, est une semoule à base de racine de manioc épluchée, macérée dans de l’eau, râpée et égouttée afin d’éliminer l'acide cyanhydrique.