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Mathilde … Que de jeux nous avions partagés depuis l’enfance ! Hans, prisonnier allemand dans l’immédiat après – guerre, dans une ferme de La Jarousse, n’était-il pas pour quelque chose dans la chevelure dorée et les yeux bleus de la jolie blonde ?

Hans qui revenait de temps à autre chez les Toural où il avait effectué son temps de prisonnier s’était pris d’amitié pour la petite Mathilde. L’avait-il invitée ? Peut-être…

Parce qu’inlassablement, elle me serinait :

- Un jour, j’irais là-bas dans le Palatinat. Hans est chef de culture dans un vignoble au pied de la montagne du Haardt … Tu m’accompagneras !

- Comment pourrais-je ? J’ai tant à faire à l’usine …

- Il y a l’usine et puis il y a Mathilde. Sauras-tu choisir entre tes deux amours ? Ou laisseras-tu ta mère choisir pour toi ?

Deux évènements, cette année - là allaient faire basculer mon choix vers Mathilde qui comptait de plus en plus dans ma vie :

Mai 68 et un dîner chez les Gonthier-Vaujour  à l’étage supérieur de la prestigieuse succursale de la Banque de France.

Le paternalisme, de rigueur dans la gestion du personnel des Ets Derousseau, ne semblait pas convenir pleinement aux ouvriers de la boite à conserve en tous genres : souci d’imitation des usines déjà occupées ou véritables revendications ? Tout laissait à penser que la mise en grève était imminente et le patron, mon père ( ! ) comptait fermement sur son fils pour jouer les plénipotentiaires … Les bénéfices sonnants et trébuchants pour la trésorerie de l’entreprise ou consentir des augmentations de salaires conséquentes aux ouvriers : entre les deux, mon cœur balançait …

Dans le même temps, Maman lorgnait sur Brigitte Gonthier-Vaujour qu’elle imaginait déjà en Madame Jacques-Antoine Derousseau, digne épouse du futur taulier en boites à conserve.

Au cours de ce dîner où abondaient les mets délicieux, la fille du banquier se prêtant fort bien au jeu ne réussit qu’à me dissuader à tenter cette aventure : tout, mais pas ma vie avec cette mijaurée !

En ce joli mois de mai, au petit matin, de ma plus belle plume, je rédigeais ce message à mes géniteurs :

Papa,

De la boite de conserve et de ta condescendance avec « ton » personnel, j’en ai soupé. Alors, je m’en vais. Il te reste à t’accommoder, pour te seconder, du gendre que saura dénicher Maman. Pourquoi pas Jean -Charles, frère cadet de la Brigitte d’hier soir … Si toutefois, Lisbeth, ma jeune sœur en pince pour ce freluquet, pardon, ce beau jeune homme.

 

Maman,

Tu remercieras vivement ton amie pour le délicieux souper d’hier soir. Quant à Mlle Brigitte, quoique tu puisses en penser, contre Mathilde, elle était impuissante.

C’est Mathilde que je veux pour compagne. Quand Papa et toi, lirez ces lignes, nous serons sur le chemin de l’aventure.

Avec ses 22 ans, Mathilde, et mes 25 ans, adaptant le slogan «  Il est interdit d’interdire », nous nous autorisons à emprunter une voie qui n’est pas tracée d’avance.

Je vous aime et … merci pour tout !

Votre Jacques – Antoine

En fait, plus ou moins consciemment, j’avais avancé les préparatifs de départ. Sur un coup de cœur, j’avais acheté d’occasion un side-car rutilant qui pétaradait avec une joie évidente.

Et la rigueur de gestion n’interdisant pas les petits arrangements, quelques commissions occultes glanées auprès des fournisseurs en métaux pour boites de conserve avaient subrepticement alimenté un compte bancaire dont le paternel ignorait l’existence ; de quoi voir venir pour quelques mois sans salaire.

Sans l’ombre d’une hésitation, quittant le piquet de grève à La Paumellerie électrique, Mathilde grimpa sur le tansad du side-car, le panier latéral suffisant à contenir le petit matériel de camping et nos bagages relativement sommaires.

En route pour le Palatinat ! Atteindre notre but n’excluait pas le tourisme. Et en cette période abondante en manifestations et forums, des escales s’imposaient pour Mathilde et moi, curieux devant ce monde en ébullition. Il nous fallut près d’un mois pour rejoindre Hans et la montagne du Haardt.

D’entrée, j’éprouvais de la sympathie pour Hans, ce viticulteur qui avait une vision de l’avenir dont le caractère avant-gardiste nous donnait envie, Mathilde et moi,

de nous investir dans la voie préconisée par ce visionnaire, prémisse de la transition agricole :

- tendre vers l’agriculture solidaire, l’agroécologie avec pour objectif ces injonctions : se situer comme l’une des actrices de la transition agricole ; intégrer l’écologisme, assumer sa responsabilité pour la sécurité alimentaire des générations futures.

Il s’agissait d’un défi pour nous qui avions bifurqué de la voie qui aurait dû être logiquement la nôtre. Ce défi, nous allions l’aborder ensemble et nous n’en doutions pas, nous allions y trouver notre bonheur commun …

Tag(s) : #Textes des auteurs
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