Tout n’est que vacarme, foule et confusion.
La rondeur de la lune éclaire la place pleine d’un mélange hétéroclite d’individus en liesse.
Ce soir c’est la fête communale de l’Anse-Aux-Embruns. On y fête la journée internationale de l’amitié. Elle se déroule sous le thème de l’espoir d’établir une égalité fraternelle sincère et réelle entre les nations riches et pauvres, entre les différentes classes sociales et les sexes. Les festivités se termineront vers minuit, juste après les feux d’artifice.
Les organismes d’entraide sociale, dits communautaires et religieux avaient tout prévu ou presque afin que le déroulement des conférences, pauses et repas, spectacles musicaux de l’heure et danses d’ici et d’ailleurs se fasse avec ordre et diligence, et ce jusque dans les moindres détails.
La place de la victoire était en liesse. Des cris de joie se faisaient entendre entremêler à la musique du meilleur band antillais de l’heure.
Puis, sans prévenir, un vent d’odeur de braise balaye soudainement l’espace circulaire. Un souffle semblable à celui du vent de l’enfer résonne comme coup de semonce. Il brûle et pulvérise tout sur son passage.
L’instant d’un éclair aura suffi à tout faire basculer dans l’horreur. Tout se transforme en un brasier immense. Des cris. Des hurlements. Des appels à l’aide. Des pleurs. Des relents de chair calcinée. Des minutes interminables, abominables s’écoulent.
Finalement, tout s’éteint comme par magie. Comme si cette clameur de joie indicible n’eut jamais été. Ne demeurait sur ce qui avait été une place communautaire animée qu’une terrible absence de vie. Qui aurait osé regarder n’aurait vu que l’horreur indescriptible des restes affreux d’un puissant attentat.
Noémie avait promis à Simon de le rejoindre à l’Estaminet pour le spectacle final, juste avant les feux. Elle avait raté le dernier bus. Elle décida alors de faire le long trajet à pied. Serait-elle à l’heure ? Elle avait tellement peur de décevoir une seconde fois Simon. Elle gardait l’espoir de retrouver bientôt son sourire et ses grands yeux rieurs.
Des corps jonchent le sol. Des décombres fument.
Mais maintenant, il n’y a plus de place. Que des cadavres aux membres désarticulés. Que des morceaux chair brûlée à vif se mêlait à la cendre éparpillée au travers d’une opaque fumée grisâtre.
De loin, Noémie entendit le bruit assourdissant d’une forte déflagration. Elle se mit à courir. Une boule de feu jaillit du ciel. La musique se tue.
La rondeur de la lune éclaire la place vide. Un immense brasier s’offre des flammes venant presque lécher le ciel.
Une odeur de mort flotte tel l’étendard d’un fantôme putride dans un cimetière endeuillé.
En pleurs, elle court. Elle hurle de désespoir comme le loup solitaire un soir de pleine lune. Elle ne sait plus où retrouver le café...
Pour une dernière fois, Simon ferme ses grands yeux en songeant à Noémie...
C’était sa dernière chance et elle n’est pas venue.