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Ma curiosité n’est pas nouvelle, elle m’est innée. Déjà, enfant, mes parents me surnommaient « Mam’zelle La Fouine ». Le nez fourré partout. J’ai toujours voulu voir, connaître, apprendre, découvrir, faire des liens. J’étais et je suis toujours insatiable. Mon métier est intimement lié à cette curiosité quasi-obsessionnelle. Je suis détective, spécialisée dans les enquêtes criminelles. Le moindre détail a son importance dans mon travail, ça ne m’est pas difficile, j’ai toujours été ainsi, à l’affût de tout. Dans mon enfance, cette grande curiosité m’a parfois mise dans le pétrin. Comme durant les vacances d’été de mes 8 ans. Les parents de ma meilleure amie, Clara, m’invitent pour tenir compagnie à leur fille unique pour un séjour à la campagne. D’abord hésitants, mes parents finissent par céder à mes supplications et acceptent de me laisser partir loin d’eux pour la première fois. Conseils, consignes, mise en garde, et j’en passe me sont donnés avant le jour de mon départ. Je me souviens encore de la joie et de l’excitation qui m’habitent durant la période des préparatifs. Le cœur gai, je dis au revoir à mes parents après des promesses de bonne conduite et de politesse. Côte à côte dans l’automobile, Clara et moi sommes si heureuses. Les premiers jours, nous les passons sur la route mais qu’à cela ne tienne, Clara et moi passons le temps en chantant, en inventant des histoires, et en lisant. Pour notre plus grand plaisir, nous arrivons enfin à destination.

 

La maison de campagne louée est vieille et charmante, le terrain immense tout en hauteur nous offre une vue magnifique. Je me souviens avoir pensé que dix jours ne seraient pas suffisants pour tout découvrir. Les premières journées, Clara et moi explorons la maison de fond en comble et y faisons de belles découvertes, le grenier recèle d’objets et de meubles anciens et poussiéreux, de quoi satisfaire amplement notre curiosité. À l’extérieur, une forêt, un étang, une vieille grange, une écurie et quelques autres dépendances ne demandent qu’à satisfaire notre soif d’aventures. Du matin au soir, rien ne nous arrête, deux exploratrices insatiables. Une fois couchées, nous rêvons au lendemain en souhaitant y vivre de nouvelles aventures.

 

À la sixième journée, Clara se réveille fiévreuse et souffrante. Je suis donc contrainte de m’amuser seule. Il fait très chaud ce jour-là, je m’habille d’une légère robe soleil et apporte avec moi l’éventail que m’a offert Simone, la mère de Clara. Depuis notre arrivée, l'envie d’explorer la forêt m’habite mais chaque fois Clara préfère faire autre chose. C’est donc ma chance. Je repère un début de sentier et m’y engage. C’est excitant de me retrouver entourée de végétation, d’observer les oiseaux perchés dans le haut des arbres, de voir se faufiler une musaraigne, un tamia ou un lièvre. Emballée, je marche longtemps jusqu’à me retrouver de l’autre côté de la forêt, un peu perdue je dois bien l’avouer même si en réalité la forêt n’est pas si grande. J’arrive à une route et décide de la suivre en pensant qu’elle me mènera sûrement à la maison. Il fait  une  de ces chaleurs et mon éventail n’est pas d’un grand secours. Au bout d’une quinzaine de minutes de marche, toujours pas de maison à l’horizon mais à ma gauche, se dresse un château. Toutefois, un écriteau annonce qu’il est interdit d’entrer sur la propriété, sous peine d’amende et que la bâtisse, en mauvais état, représente un danger. Téméraire, je me dis que quelques minutes pour me mettre à l’abri du soleil et me rafraîchir un peu ne présentent sûrement pas un grand risque. Cette bâtisse est d’une taille imposante et stimule ma curiosité légendaire, je m’y engouffre dans toute ma naïveté et une fois à l’intérieur, j’oublie l’heure, j’oublie que je suis perdue, j’oublie l’inquiétude que doivent éprouver les parents de Clara, j’oublie mes promesses d’être sage et je me lance dans la visite du château. Je grimpe des escaliers, en redescends, je traverse d’une salle à l’autre sans me soucier de la décrépitude de la bâtisse. Bientôt, je me retrouve prisonnière de ce labyrinthe. Où donc est la sortie? J’ai froid, l’humidité est élevée, ma petite robe de coton me glace, chaussée de sandales, j’ai les pieds gelés. Je me sens tout à coup envahie par la peur. Ma témérité a disparu par enchantement. Je me suis perdue, j’ai froid, je suis seule et je n’ai aucune idée du comment je peux retourner à l’extérieur. Je réalise que les parents de Clara doivent s’inquiéter de mon absence. Je suis dans de beaux draps. Je m’assois dans un escalier, sanglote à chaudes larmes et m’endors. Des bruits me réveillent et même si j’ai la trouille, j’appelle à l’aide. Devant moi, le père de Clara, l’œil sévère, me fixe. Je vois bien qu’il s’efforce à retrouver son calme plutôt que de laisser sa colère le pousser à me réprimander. Je m’excuse, dis-je d’une voix timide. « Allez viens, dit-il, rentrons ». Avec les années, j’ai oublié comment il avait fait pour me retrouver. J’ai eu droit à des remontrances, fus privée de sortie le lendemain et on m’envoya me coucher dès la fin du repas. Inutile de vous dire que je me suis tenue tranquille le reste de notre séjour. Heureusement, Clara prit vite du mieux et la fin des vacances fut très agréable. Plutôt que de prévenir mes parents de ce qui était arrivé, ils m’enjoignirent de leur raconter moi-même ma mésaventure. Ce que je fis bien sûr mais à ma façon, je n’allais tout de même pas risquer de subir d’autres conséquences à mon étourderie. Ce ne fut pas la dernière fois que ma curiosité m'a entraînée dans des situations embarrassantes et fait faire des faux pas. Et puis, aujourd’hui, je résous bien des affaires criminelles en étant à l’affût du moindre détail et de l’intérêt que je porte à tout ce qui m’entoure. En fait, je suis toujours la petite fille de huit ans, curieuse et avide de découvertes.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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