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J’étais silencieuse. Assise sur cette terrasse sur laquelle nous avions tant partagé, j’observais ce décor en cette période automnale. A l’horizon de ces chênes, le crépuscule laissait sa place à la nuit et un nuage timide de buée allait et venait au rythme de ma respiration.

J’étais silencieuse et je l’écoutais. Je restais de marbre, comme si mes mots refusaient de sortir de mes lèvres. Je l’écoutais silencieusement, et lorsqu’il finissait ses phrases, je restais muette comme si j’attendais que son monologue prenne une tournure positive. Je restais silencieuse.

« Tu m’écoutes ? Tu comprends ce que je suis en train de dire ?

-Oui je t’écoute, c’est une mauvaise passe, je comprends, tous les couples vivent ce genre de choses. C’est normal.

-Non, ce n’est pas ce que je te dis. Je ne suis plus amoureux de toi tu sais, j’ai essayé pourtant de m’accrocher à cette image de notre couple que j’ai tant aimé mais je ne peux plus. Je ne peux plus te regarder m’écouter, je ne peux plus te voir rester de glace, et minimiser nos difficultés. Il reprit sa respiration. Je deviens malheureux. Toute cette froideur que tu dégages, cette résistance. Qu’est-ce qui ne va pas ? Parle-moi, qu’est-ce que tu as peur de sortir ?! Pourquoi tu te comportes comme un glaçon ?!

La nuit venait de tomber. J’encaissais ses paroles, bienveillantes ou meurtrières, je ne savais pas. Je regardais toujours les chênes, du moins je les devinais dans l’obscurité. Nous étions assis, presque face à face, presque de profil. Il me regardait mais j’évitais son regard, son jugement.

Je pris conscience qu’il avait raison. Je sentis monter en moi une chaleur insupportable, étouffante. Et il continuait de se livrer. Il faisait froid et j’avais chaud. Je commençais à sentir mes mains moites, mon corps tellement solide résistait. A qui ? A quoi ? Je me demandais.

J’aurais voulu lui crier combien je l’aimais, combien je ne voulais pas le perdre, et combien je serais prête à faire cet effort pour lui, à tout lui donner, à laisser tomber cette froideur idiote mais protectrice dont je faisais preuve. Je n’y arrivais pas.

Plus je pensais à ce que je voulais lui dire, plus je sentais ce feu monter en moi. Je sentais que mon cuir chevelu s’humidifiait, je sentais ma gorge se nouer et je me tétanisais davantage dans mon monologue intérieur. J’essayais de respirer un grand coup pour puiser au plus profond de mon être le courage de tout lui dire. A chaque respiration, mon corps devenait de plus en plus chaud, une braise sur laquelle je soufflais sans cesse. Je sentis une goutte d’eau couler depuis le haut de mon crâne en direction de mon front. Je l’essuyais nonchalamment.

Il me regardait toujours, il attendait que je parle. J’ai soufflé à nouveau, tellement fort que mes tempes se sont engourdies, me provoquant un léger vertige.

« Je suis désolée, je suis tellement désolée, je t’aime je t’en supplie ne me quitte pas, je t’aime à un point que tu ne peux imaginer, je t’aime comme personne ne t’aimera jamais sur cette terre… »

Je soufflais toujours mais je sentais mes larmes monter à mes yeux, ma vision se troublait.

« Je t’aime je vais faire tous les efforts du monde mais je t’en prie ne me quitte pas, jamais, on a encore tant de choses à vivre… »

J’éclatais en sanglots, je ne voyais plus rien tant le flot de larmes était important. Je continuais ma tirade, ma prière, je le suppliais de me garder. Je sentais mes larmes se mêler aux gouttes qui perlaient sur mon front, je suffoquais, incapable de m’arrêter, j’étais lancée. Je prenais mon courage à deux mains, mais je me liquéfiais littéralement.

« Souviens-toi comme on était heureux, tous les moments qu’on a passés, tous ces voyages, tous ces moments tellement simples à se regarder bêtement, souviens-toi : le commissariat, le Vieux-Port, les montagnes, les calanques, tous ces endroits où on était mais où rien ne comptait sauf nous […] »

 

Je ne m’arrêtais plus, haletante, suffocante, en larmes et en sueur, je sentais mon sang battre dans mes tempes, dans mes joues et dans un dernier élan de courage je lui répétais une dernière fois combien je l’aimais.

Il était silencieux. Il me regardait, interdit. Je le sentis mal à l’aise, n’osant pas me parler.

« Ecoute ma belle, je suis désolé de te faire tout ce mal, je ne pensais pas que tu ressentais tout ça, mais c’est trop tard…Pour moi… C’est terminé. Je suis désolé je te ramène demain matin chez toi d’accord ? On ira faire des courses avant comme ça tu pourras manger et continuer ta vie toute seule, c’est d’accord ? »

Je n’avais plus la force d’ouvrir ma bouche, je mourrais d’envie pourtant de le supplier encore, de l’enchainer à moi mais je ne pouvais plus. Je continuais de pleurer à chaudes larmes, j’étais brûlante, je transpirais, je pleurais encore. Mon corps entier n’était que d’eau, d’une eau si chaude qu'elle se confrontait à la froideur de cette nuit noire.

Je m’étais laissé aller à mes émotions. Pour une fois j’avais réussi à lui dire ce que je ressentais mais à quoi bon ? J’avais accepté de faire fondre le glaçon en moi, de me faire fondre. Et tout comme le glaçon fondu, il ne restait rien de moi à part cette mare d’eau salée, et le désespoir.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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