P197 Marielle – sans titre

De mémoire d’anciens, cela s’était passé ainsi : la nuit était tombée soudainement, bouger était devenu de plus en plus difficile, le froid les avaient envahis, le silence les avaient enveloppés et le temps s’était figé.

Depuis, nous attendions, gelés, paralysés et muets, serrés les uns contre les autres dans l’obscurité, sans notion des heures qui passent, sans rêves et sans espoir.

Nous savions seulement que les premiers d’entre nous disparaitraient à la faveur du grand éclair qui par moment illuminait avec fracas notre monde glacial. Certains disaient que c’était le passage vers la mort, d’autres vers une autre dimension, tout ce que nous savions, c’est que personne n’était revenu témoigner.

Le jour où mon tour est venu, je me sentais particulièrement las de cette morne attente. L’apparition de l’éclair fut comme une délivrance. Je me sentis aspiré dans une onde chaude, l’horizon s’élargit brutalement, comme d’autres je fus précipité dans un puits au fonds duquel nous atterrîmes en nous entrechoquant. Je demeurai tremblant, étourdi par la lumière, recouvert d’une fine sueur. Les autres, collés les uns aux autres, n’en menaient pas large non plus.

-          On the rocks ? demanda Tim.

-          Un seul s’il te plaît, répondit John dont les jambes étaient nonchalamment étendues sur la table basse.

Alors saisi d’effroi, je compris que mon heure était arrivée, et lancé dans une mer sirupeuse, je commençais à fondre.