Une vieille licorne venue du fond des âges
qui remontait des ans après un long voyage
rencontra par hasard un vieillard très myope,
tout surpris de croiser un être qui galope
aussi rapidement à cette heure du jour.
La licorne, polie, lui fait un grand bonjour,
le vieillard, ébloui par cette albe beauté,
jamais imaginée et jamais rencontrée
l’interroge : seriez-vous un cheval, un poulain
ou tout autre équidé ? Je serais plus malin
et pourrais distinguer, si ma vue allait mieux,
le contour de vos formes, l’expression de vos yeux !
Mais l’âge m’a ravi le plus gros de la vue,
je n’ saurais désigner une espèce connue
en vous apercevant. La licorne répond :
je comprends votre doute, mais regardez mon front ,
qu’y voyez-vous d’étrange, ou même d’insolite ?
Le vieillard réfléchit, et quelque peu hésite,
il sent comme un mystère qui hante ces grands bois.
Un trouble l’envahit, comme ceux d’autrefois
quand sa vue était bonne, son corps plein de jeunesse.
Des forces inconnues, semblables à des caresses
le parcourent, l’enserrent et soudain le traversent.
La licorne, sereine, observe et ne dit rien,
consciente de la scène où se joue le destin
du pauvre miséreux qui tremble et qui frissonne
devant cette étrangère au doux nom de licorne.
La magie du moment, ces instants oniriques
lui font revoir soudain de sa vie la réplique,
le fil de son destin. Tout lui paraît plus clair
les trésors de sa vie, les instants plus amers,
les regrets, les échecs, les désirs de mieux faire.
Il frôle en se haussant la base de la corne
parcourue des faisceaux qui baignent la licorne.
Poussant alors un cri, l’unicorne s’incline,
en une offrande amie et quasiment divine
propose à son ami la chaleur de ses reins,
la blancheur de sa corne. Le vieillard s’y installe,
confiant et guéri à jamais de son mal.
Puis la vieille licorne opère un demi-tour
en laissant le vieillard dans un sommeil si lourd
qu’il ressemble à la mort. Et fière de son obole,
repart en trottinant au pays des symboles