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Une odeur de cigarette plane dans l'air. Le vent fait doucement danser les doubles-rideaux de la chambre. Par la fenêtre ouverte monte le bruit de l'eau de la piscine de l'hotel.

Sa valise est prête. Il met son manteau sur son bras. Pour l'instant, il n'en a pas besoin. Il met ses lunettes et son portefeuille dans sa poche. Il regarde sa montre. Un quart d'heure avant l'arrivée du bus qui l'emmènera à l'aéroport. Il se baisse, prend sa valise et se dirige vers la porte. Il pose la main sur la poignée et s'apprête à sortir quand une douleur au tréfonds de son cœur lui fait fermer les yeux. Il gémit "O Carlitissima... !" Il respire un grand coup, une fois, deux fois, puis ouvre la porte d'un coup sec et s'en va. Dans la pièce retombée dans le noir, indifférente au drame qui s'est déroulé en quatre jours entre ses murs, le silence est assourdissant. Un coup de vent un peu plus violent que les autres fait bouger le rouge à lèvres resté sur la table.

C'était celui que portait Carlita en montant dans l'avion avec lui le 12 au matin. Elle l'avait acheté au duty-free, rose sagesse il s'appelait. Il l'avait regardée en mettre, le sourire aux lèvres, plus amoureux que jamais. Oui c'était une bonne idée ces quatre jours à Magaluff, à Majorque. Il voulait lui faire plaisir, qu'elle s'amuse. Ces derniers temps elle avait été si distante, si peu amoureuse et câline, qu'il s'inquiétait. Etait-ce déjà la fin ? Non pas avec elle. Si belle femme brune, grande aux seins bien formés, pimpante et sucrée. Sa tigresse, il voulait la garder.

Deux heures d'avion et ils étaient déjà sous la chaleur de Majorque. A peine dans la chambre, elle se mit en bikini et fila à la piscine. Lui, souriant, défit d'abord ses affaires, puis les siennes, descendit à la réception pour louer des serviettes et se renseigner sur ce qu'il y avait à faire la nuit, vu que c'était la nuit qu'on vivait ici. Puis il alla l'a rejoindre. Elle était dans la piscine, entourée de deux jeunes hommes aux dents bien blanches... Contrarié, il jeta les serviettes sur un transat et plongea vers elle. Le bras protecteur se posant sur ses épaules, il fustigea les deux hommes du regard. "Oh Robert, je te présente Gurt et Findl, ils me racontaient la vie nocturne ici, ça a l'air trop bien !" "Tant mieux, Carlita, tant mieux..."

Les deux touristes disparurent et le reste de la journée se passa à bronzer et à siroter des cocktails, Carlita près de lui, les deux requins loin d'elle.

Le soir, après diner, ils se dirigèrent vers le centre de Magaluff. Des deux côtés de la rue, des bars, des clubs-house, des pubs lumineux, aux couleurs criardes. Les gens circulaient d'un bar à un autre, habillés de toute sorte de façon. Des drag-queens, des homosexuels, des enterrements de vie de jeunes filles ou de garçons, énormément d'anglais, quelques suédois ou norvégiens. Des tatoué(e)s, des percé(e)s, des têtes coiffées en pointe, rasées, vertes, rouges, orange, de tout âge. Et partout, partout des télés diffusant le championnat de football anglais.

Ils se baladèrent un moment, hypnotisés par tout ça puis finirent par boire un cocktail devant les deux pyramides lumineuses qui servaient de manège à sensation. Un peu ivres ils allèrent ensuite danser au son d'une musique assourdissante, auréolés d'une lumière blanche. Carlita se collait à lui, suave, sensuelle. Lui enivré par l'ambiance, l'alcool, son corps, suivait ses mouvements sans pouvoir s'arrêter. Ils rentrèrent au petit matin et firent l'amour, comme avant.

Le lendemain il se réveilla avec un marteau-piqueur dans la tête. Après le petit-déjeuner, ils se balladèrent et décidèrent de passer l'après-midi à la plage. Malgré le soleil, l'esprit de détente et le cachet d'aspirine, Robert décida de ne pas sortir ce soir-là. Secrètement il espéra qu'elle resterait à ses côtés. Mais non, c'était peine perdue. Elle voulait s'amuser. Un peu triste il songea à sa soirée en solitaire. Une fois que Carlita s'en alla après le diner, sourire aux lèvres et baiser au vol, il sirota un cocktail en regardant d'un oeil distrait les animations de l'hôtel : un jongleur et une danseuse. Après un bâillement un peu plus fort que les autres il monta dans sa chambre. S'apprêtant à prendre sa douche, il vit la feuille de calendrier avec le 14 septembre entouré en rouge. Il l'a pris entre ses mains et vit qu'au dos il y avait un numéro de téléphone. Fronçant les sourcils il sentit la jalousie monter puis il se força à se détendre "Bah un blaireau qui aura tenté sa chance". Il prit une douche bien chaude, se cala entre les oreillers, alluma la télé et s'enfonça dans le sommeil bercé par les images.

Il ne réveilla que vers 10 heures. D'instinct il tata le côté du lit, pour trouver le corps chaud de Carlita. Mais sa main ne rencontra que le drap froid. Il ouvrit les yeux, elle n'était pas là. Il l'appela, elle n'était pas non plus dans la salle de bain. Il se leva d'un bond, prit ses lunettes et regarda son portable. Aucun message ni appel. Il s'habilla en vitesse et descendit dans la salle du petit-déjeuner, pas de Carlita, à la piscine, pas de Carlita. Il demanda à la réception, personne ne l'avait vu. Il remonta dans sa chambre et les mains tremblantes il fit son numéro. Cela sonna dans le vide jusqu'à tomber sur sa boite vocale. Il refit son numéro encore et encore. Enfin on décrocha. "Allo ?" . Une voix d'homme avec un accent espagnol. "Je veux parler à Carlita !" Des chuchotements, il n'entendait pas bien, puis on raccrocha. Il rappela mais tomba sur sa boite vocale directement. Il balança le téléphone à travers la pièce. Il sortit et remonta toute la rue qu'il avait arpenté l'avant-veille et rentra dans le peu de bars ouverts, personne ne l'avait vu. A bout de force, la rage au ventre il fini par s'asseoir sur un mur, face à la mer et il resta là, prostré, ne pouvant croire à ce qui lui arrivait.

Il finit par se relever, les jambes coupées et retourna à l'hotel. La journée était passée. Il était bientôt 18h. A la réception il redemanda si ils l'avaient vu. On lui dit oui "elle vous a laissé une lettre" qu'on lui tendit. Hébété il remonta dans sa chambre. Tout de suite il le remarqua. Elle avait emporté toutes ses affaires. Seul son rouge à lèvres restait la table avec la feuille de calendrier et tient ? une note d'une cafeteria. Steack frites salade fois 2, 14 euros. Il s'assit sur le lit et ouvrit l'enveloppe. Au fur et à mesure de la lecture son coeur s'effrita et se disloqua. Trop de routine avait tué ce qu'elle ressentait pour lui, elle avait envie de vivre passionnément, elle le quittait.

Il resta là sur le lit, la lumière faisant place à la pénombre puis à la nuit.

Vers 4 heures il se leva machinalement, prit une douche, fit sa valise et quand il la ferma, il ferma aussi son coeur avec le même son métallique et froid. Si c'était cela l'amour alors il en avait fini avec lui...

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