"Vogue à droite, vogue à gauche
Ballotée par les flots
D'un océan immense
Comment vais-je arriver à livrer mon message
Avec ce bouchon mal enfoncé
Je lutte, je force
Pour que toute cette eau salée
Ne vienne mouiller
Les quelques mots griffonnés sur ce bout de papier
"Mais faites un peu attention vous ! Vous avez failli me retourner !""
"Ô pardon, mais Mon Dieu j'ai le mal de mer,
A monter et descendre
Sur cette planche de bois arrachée
Ce n'était pas mon destin !
J'étais bien sur cette même planche
Mais au sec dans la salle à manger du capitaine
Même mal enfoncé
Je tenais le tableau du "Radeau de la Méduse" de ma tête tordue certes mais
Fièrement
Et regardez-moi maintenant !"
"Et moi donc alors !
Ne suis-je pas plus à plaindre que toi ?
Je me disloque
L'eau me pénètre
Je me sens écartelé
Déjà je perds la tête
La peinture que je protégeais, s'efface !
Ah oui, nous étions si bien
Dans la salle à manger du capitaine
À humer les plats si finement préparés
Même mal encadré
J'avais fière allure
Mais que se passe-t-il ?
Je ne vois plus le ciel
Juste des bulles
Je coule
AU SECOURS !"
"Oh arrête de crier ! Tu me casses le talon avec tes chialeries !
"Ah, nous étions si bien dans la salle a manger du capitaine" Ouin !
Et moi alors ?
Vous y avez fait attention à moi, la mal cirée, oubliée dans un coin depuis des années ? Non !
Vous étiez bien perchés, pas le temps de discutailler avec les rases-moquettes !
Maintenant c'est ma chance qui s'ouvre enfin à moi et je compte bien en profiter !"
"Ah ah ah ! Oui moi aussi je me sens revivre ! Enfin je suis dans une eau propre, le sel me nettoie de toute cette saleté dans laquelle on me plongeait, et qu'on oubliait là sans jamais essorer.
Oui enfin la liberté !
Eh, les amis, regardez ! Terre ! Terre ! Terre !"
Autour du feu ronflant et réchauffant
La danse des objets déformés
Etait effrénée
Soulier battait du talon
Serpillière sifflait dans bouteille
Tableau claquai de ses réglettes
Et clou rythmait la danse de sa planche
Sous les milliers d'étoiles de ce coin de paradis perdu, toutes leurs peines et peurs étaient oubliées.