« J’ai erré longuement dans la ville, sans prêter attention aux rues que j’empruntais, aux gens que je croisais, aux bruits, aux couleurs, il fallait encaisser, absorber, jamais de toute ma vie je en m’étais sentie plus isolée ni plus insignifiante. »
Comment cela avait-il pu m'arriver ? Me voilà à vagabonder dans les rues, sans idée ni but. Ce qui s'est passé aujourd'hui était humiliant. Jamais je n'aurai pensé vivre ces évènements.
Ce matin, comme tous les jours, je me suis levée, j'ai pris mon petit déjeuner, puis j'ai fait ma toilette. Mais aujourd'hui en sortant de chez moi pour me rendre au travail, j'ai entendu glousser dans mon dos. Pourtant, il n'y avait rien de particulier. J'ai regardé autour de moi, rien d'extraordinaire. Les gloussements se sont transformés en rire, un rire communicatif, donc ma journée commencée avec le sourire finalement. Ne remarquant rien, je finis par monter dans ma voiture et démarrer. En route pour le boulot.
Sur le trajet, j'ai rencontré des personnes au sourire blanchi, d'autres au corps tatoué, certains au visage percé et enfin des personnes perroquets comme je les appelle, des gens vêtus d'habits de toutes les couleurs, des gens heureux et gais. Parfois même, il y a des individus qui cumulent toutes ces excentricités, qui osent et qui sont tellement beaux. Il est si triste de rencontrer toute cette population grise, sombre et stéréotypée, heureusement qu'il m'arrive de croiser toutes ces exceptions.
Quelle belle journée, pleine de rire et de couleur. J'arrive enfin à destination, sur de ma voiture et croise la directrice, qui avec un drôle de sourire gêné me demande si j'ai bien dormi. Etonnant, elle qui ne me dit jamais qu'un bonjour un peu coincée, qui est toujours si distante, c'est une facette de sa personnalité qu'elle ne m'avait jamais montrée. Elle me demande enfin, un peu pincée, si j'essaye de lancer une nouvelle mode. Je m’aperçois alors que j'ai mis mon soutien-gorge par-dessus mon T Shirt. Je comprends mieux les gloussements et regards en coin de ce matin.
Je me sens tellement bête, d'abord j'ai l'impression d'être au bord d'un précipice vertigineux, comme le fameux rêve où on se promène toute nue dans la rue. J'ai envie d'en rire, et repense aux personnes colorées et libres de ce matin, moi aussi je serai excentrique aujourd'hui, pourtant cela ne me ressemble pas, moi qui ne porte jamais de couleur, toujours si stricte, toujours si prévisible. Mais ce n'est pas du tout du goût de ma direction
Donc, aujourd'hui, retour à la routine. Il est sûr que je n'avais pas délibérément mis mes sous-vêtements au-dessus de mes habits, mais pourquoi ne pas l'exploiter, mettre un petit grain de folie dans ma vie parfois si monotone ? Eh bien non, pas le choix, je dois rentrer dans le carcan de notre société.
Mon travail se passe sans surprise, je raconte ma mésaventure à mes collègues et je les vois toute de suite de bonne humeur, les yeux pétillants de joie.
Et voilà que tout s'enchaîne, alors que ma journée fut quand même agréable, il se mit à pleuvoir alors que j'allais chez le dentiste. Trempée, mes vêtements sont plaqués contre mon corps de manière assez impudique. Un passant m’apostrophe en disant que mon corps est le plus beau violoncelle qu'il ai jamais vu. Quoi ? MOI ? Un violoncelle ? Bien sûr, je ne suis pas un top model, mais quand même !
Ma dentiste habituelle est en vacances, son remplaçant est un homme replet et peu affable. Une fois installée dans le fauteuil, il me demande d'ouvrir la bouche et part d'un grand éclat de rire. Que se passe-t-il encore ? Et le voilà qui me dit que ma bouche lui fait penser à un canapé-lit. J'aurai tout entendu aujourd'hui ! Un vrai désastre cette fin de journée. Pour résumer, je suis un violoncelle portant un soutien-gorge sur ses habits avec une bouche qui ressemble à un canapé-lit, vous imaginez le portrait ? Personnellement, je trouverais cela hilarant s'il ne s'agissait pas de moi. J'imagine la toile au musée des horreurs.
Ma journée avec un scénario bien huilé s'est avérée complètement folle. Et maintenant « Je erre longuement dans la ville, sans prêter attention aux rues que j’empruntais, aux gens que je croisais, aux bruits, aux couleurs, il fallait encaisser, absorber, jamais de toute ma vie je en m’étais sentie plus isolée ni plus insignifiante. »