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Elle est bien jolie, la petite mamette.

C’est qu’elle s’est faite belle, pour la fête !

Laquelle, elle ne sait pas trop. Elle n’a plus toute sa tête, la mamette…

Son anniversaire, peut-être ?

Oui, ça doit être ça. Son anniversaire.

Au fond, peu importe laquelle : c’est la fête !

Elle a mis son tailleur myosotis, la mamette. Celui des grandes occasions, avec l’écharpe assortie, pour cacher son cou flétri.

« Ce n’est pas convenable, dit-elle, un rien précieuse, de montrer ses oripeaux. » Un rien coquette, aussi.

Un peu de rose sur ses lèvres, une touche de couleur sur ses pommettes...

Elle a ramené en arrière la mèche rebelle qui toujours l’envahit…

Elle est contente, la mamette : sa fille et son gendre viennent la chercher pour l’emmener dans leur maison, sur la colline, pour sa fête.

Il y aura du gâteau ! Elle en pétille d’aise. Elle en reprendra. Deux fois. Et du champagne, aussi. « Une coupe, pas plus. Je ne veux pas être pompette ! » Elle le sera, un peu.

Elle poussera même la chansonnette, d’une voix fluette, un rien surannée. Une vieille mélodie, très désuète, du temps de ses vingt ans ; du temps où elle était amoureuse de son amant de Saint Jean…

Et puis, comme chaque fois, elle dira, très solennelle : « Je vous remercie, mes enfants, je suis très heureuse d’avoir fêté avec vous ce qui sera mon dernier anniversaire. Ne protestez pas, je vais bientôt partir. Je le sens. 86 ans ! Ce n’est pas raisonnable ! » Comme chaque fois on se récriera : « Mais voyons, tu es éternelle ! Tu nous enterreras tous ! » Et souriante, elle qui sait, elle fera semblant de le croire.

Et puis elle s’en retournera, tête et cœur chaviré, mi tanguant mi valsant, sa canne peinant à la suivre. Elle s’endormira, le cœur en fête, rêve en tête, avec son amant de Saint Jean.

Avait-elle le rêve en tête quand, à l’hôpital, elle s’est endormie, et ne se réveilla point ? Une erreur. Une faute. C’est bête. Elle était éternelle…

Le ciel sur la colline est d’un bleu myosotis. La tramontane joue dans les genêts une vieille mélodie, très désuète.

Un froissement d’âme…

La belle endormie valse avec le vent.

Elle est éternelle.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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