Le paysage qui défilait à plus de 100 km/h ne cherchait pas à la distraire.
Elle baissa les paupières.
Elle était bientôt arrivée.
Sa destination finale approchait à grands pas quand le train commença, lui, à ralentir.
Pendant un peu plus d'une heure, ce voyage avait mis sa vie sur pause.
Elle se leva, prête à se mêler aux corps déjà agglutinés dans l'allée du wagon.
Elle était partie de son plein gré. Elle voulait oublier. Pourtant, elle ressentit une plus forte sensation encore lorsqu'elle posa enfin un pied sur le quai. Elle vécut, à cet instant ultime, une nouvelle naissance, sans cri, ni pleur, juste une lueur d'espoir au fond de l'œil.
Âgée de 32 ans, outre un petit sac à dos, l'espoir semblait être son seul bagage.
Elle avait toujours aimé les gares, les trains et les départs.
Puisque personne ne l'attendait dehors, elle voulait seulement évoluer dans cet immense hall.
Au milieu d'un brouhaha et d'annonces faites au micro, des êtres si mêlés. Elle y rencontrait des volatiles picorant librement des miettes, des animaux domestiques tenus en laisse ou enfermés dans des boîtes en plastiques et puis des hommes, des femmes, des enfants provenant d'horizons divers, parlant différentes langues.
Des odeurs corporelles se mélangeaient aux parfums des repas préparés, des effluves de cafés posés sur des tables. La fumée des cigarettes avait été bannie depuis longtemps. Elle ne persistait que dans ses souvenirs d'enfant lorsqu'elle partait avec ses parents en vacances.
Elle s'approcha d'une place assise, la seule d'un banc déjà bien occupé. Installée, les jambes croisées, son unique sac à ses pieds, elle laissa aller son regard vers les voyageurs en partance pour ailleurs. Ils traînaient derrière eux des valises à roulettes, des enfants pressés sachant parfaitement où se diriger.
Elle assista à la séparation douloureuse d'un couple pleurant dans une dernière étreinte, à l'accolade joyeuse d'un autre en pleine retrouvaille.
Et elle sourit.
Elle était arrivée chez elle.
Elle savait que si cette nouvelle vie lui deviendrait comme l'autre, insoutenable, elle n'aurait qu'une chose à faire : elle remonterait dans un autre train pour fuir à nouveau l'enfer.
Mais en attendant, elle réfléchissait déjà à établir ses nouveaux repères.