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La dernière ballade ou l'art de confronter son ultime peur de l’inconnu.

Et zut !

Maudit temps de chien... se dit tout haut l'homme aux mains crispées au volant de sa Mazda III pourtant si attrayante dans sa couleur rouge vif presque fluorescent sous l'effet d'un soleil radieux. Tout en poursuivant sa conduite prudente, il se remémora le jour exceptionnel du dix-neuf juin 1976 où il fit une rencontre inattendue.

Puis, tandis que le vent se levait au loin, il maugréa après la froideur blanchâtre qui se faufilait insidieusement sur les bouts raides de ses longs doigts osseux.

Ce jour-là, il fit très froid pour un presque début d'été. Dix degrés à l’ombre du cabanon, ce n’était pas vraiment chaud. De plus, il se mit à pleuvoir tout à coup très fort. Un gros orage s’annonça sans cérémonie. Et le vent de la folie se mit de la partie.

Il mouilla des averses de vieilles peines inassouvies telles des cordes de bois alignées, allongées, esseulées sur le sol détrempé depuis presque une éternité. Il tomba des clous de cercueil. C'était comme si d'anciennes mémoires karmiques probablement encore présentes dans la lignée familiale du côté du patriarche abuseur de la basse-cour se déchaînaient encore et toujours au-dehors dans une furie mouillée. Les abusés de l’horrible abuseur lui-même jadis abusé furent nombreux et du genre chèvres privilégiées à quatre pattes en passant par les ânes, mulets ou encore et non la moindre, celle qu'il préférait d'entre toutes, il va s'en dire que selon la majorité c'était sans aucun doute l'incontournable, l'inégalable, celle qui portait bêtement le nom simpliste de la grosse vache des prés dite sans prétention des étables, celle aux grosses taches noires qui traînait l'hiver le boggie de ma sainte mère, sa femme, et de tout ce qui bougeait aussi sur deux pattes sans égard pour l'âge où le sexe...

Au diable les cris, les larmes et les grincements de dents... rien n’y faisait, il se savait seul maître à bord de l’étable à la paille fétide de l’abomination des plaisirs secrets, lui mon salaud de paternel.

Rodrigue avait les yeux bleus d'un océan en furie. Il pratiquait le yoga, s'initiait au Tarot en cartes couleur peinte main par des artistes peu connus, dansait la salsa et se vantait d'être le meilleur baiseur en ville.

Et surtout d'être maître-nageur certifié et cinquième dent de tigre au croc-en-jambe de son centre sportif municipal.

Il roulait depuis 2 heures 37 minutes sur l’A Nationale 141 lorsqu'un immense nuage d'un noir profond le prit en chasse. Une pluie torrentielle comme il n'en avait jamais vu éventra tout l'espace autour de lui. Et l'émotion intense qu'il revécut n'était peu dire, tant qu'il fut en contraint et amené à quitter sans réfléchir la chaussée d'asphalte devenu impraticable afin de se retirer au repos forcé sur le bas-côté de l'accotement balayé par un vent d'une vélocité surprenante. Saleté de pluie diluvienne pensa-t-il malgré lui, tout en fixant d'un regard béat les essuie-glaces fraîchement installés qui dansaient le boléro de toi à moi en streaming continu...

Puis, sans qu'il ne voit venir, des coups secs répétitifs presque à fracasser le verre teinté se présentèrent sournoisement à la fenêtre du conducteur. Un tour rapide de tête vers la gauche et une capuche telle une ombre mouvante s'offrit à son regard étonné. Floue, sombre dans la bourrasque pluvieuse, embuée et sans style précis ou particulier, elle se rapprochait parfois avec des mouvements saccadés d’une violence soudaine que l’on devinait involontaire.

D'une main nerveuse, il baissa non sans difficulté la vitre de la portière malgré la force presque diluvienne de la tempête et s'entendit demander sans prévenir...

Où est-ce que vous allez comme ça ? Mais, à bien y penser, entrez donc sacredieu... C'est qu’il fait un temps de mort pour le pouce, alors y a pas de quoi se gêner... Mettez-vous à l’abri ! Entrez, faites comme chez vous ! Soyez à l'aise ! Mais surtout, ne mouillez pas le velours des sièges, il m'a coûté assez cher !

Et la portière côté passager s’ouvrit dans un fracas de vent, de pluie et d’une quantité étonnante de gouttelettes glacées...

C'est alors qu'il ressentit une étrange douleur à la poitrine. Puis l'instant d'après, un voile opaque recouvrit son champ de vision déjà pourtant restreint, tandis qu’une flaque de sang se créa tout doucement alors que l'intensité de la tempête diminuait peu à peu.

Il songea à la couleur sanguine et pourpre des cieux préférés de son enfance. Il entendit les sons chauds des grillons, alors qu'il se sentait de plus en plus lointain et... plus rien... qu’un horizon plat d’une platitude incroyable.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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