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Amy, ma fille,

J’ai la mémoire pleine de souvenirs inutiles et superflus. Une mémoire vide de toi. Un manque de tous les instants. Je pourrai passer des heures à écrire le journal d’un corps malade : malade de ton absence, malade de toutes ces années sans toi, malade de n’avoir jamais pu en parler à personne. Malade d’avoir passé ma vie à la remplir de futilités pour combler le vide.

De repas d’affaires en séminaires divers, d’hôtels en palaces, de Paris à New York tu n’as pourtant jamais cessé d’occuper mes pensées ne serait-ce qu’une minute. N’imagine pas que ça a été facile pour moi de ne jamais avoir de tes nouvelles, ni même de photo. Je t’imagine pétillante, avec les mêmes yeux de biche que ta maman. J’avais le même âge que toi aujourd’hui quand tu es née, trop jeune sans doute pour assumer un tel chamboulement dans une vie. Plus tard, j’ai voulu te revoir, mais ta mère me l’a toujours interdit. J’ai respecté. Ne lui en veux pas, je le comprends maintenant. Il ya des choix difficiles à faire dans la vie. Et on n’est pas toujours à la hauteur. Je suis pourtant un homme de tempérament, j’excelle dans mon métier de vendeur, restant en tête sur toutes les affaires et distançant largement mes concurrents… Je suis le meilleur dans ce domaine, un vrai requin ! Et pourtant je n’en demeure pas moins un minable qui n’a pas su faire le bon choix. Rester, partir… A 17 ans que sait-on de la vie ? A ta naissance, maman a gardé le prénom que j’avais choisi pendant sa grossesse. Qu’en dis-tu ? J’espère qu’il te plait. Maman voulait t’appeler Marie Cécile… mais je l’avais convaincue que toutes les femmes s’appellent Marie quelque chose et que cette mode de prénom composé, très française, était un peu ridicule, surtout à l’époque… Moi je voulais un prénom court, dynamique, souriant. Je suis sûre que tu le portes très bien.

Amy, je suis au crépuscule de ma vie ; l’alcool, la cigarette, le stress et tout le reste ont eu raison de moi. Je n’ai pas su combler le vide autrement. Je sens que la nuit est proche. Et d’ailleurs, si tu lis cette lettre, c’est que je ne suis déjà plus (J’avais en effet prévu que quelqu’un te remette ce courrier à mon départ). Je ne pouvais pas partir sans te dire au revoir, pas cette fois. Peut-être es-tu dans la recherche de ce père que tu n’as pas connu et que tu dois haïr certainement. Peu importe. J’ai respecté le souhait de ta mère jusqu’à aujourd’hui; Et une fois encore, ne lui en veux pas. Ca n’a pas été facile pour elle. Un jour tu comprendras. Ce qui est important c’est que tu saches que tu as bien un père, qui t’aime, de loin, certes, mais qui t’aime à la folie. J’aurais aimé partager tant de moments avec toi, combien de fois nous ai-je imaginé grimper au sommet des grattes ciels, découvrant toutes les merveilles de la vie, ou bien faisant le tour du monde et rencontrant les indigènes, les sauvages, les tibétains, les mexicains, et j’en passe, bref, tous les peuples de la planète entière ! Et nous aurions été heureux ensemble. Je le sais maintenant. Il faut savoir affronter la peur pour comprendre certaines choses. Il ne faut pas détourner les yeux. J’aurais aimé voir l’éclaircie plus tôt, mais il n’est jamais trop tard. Et aujourd’hui je pars comme si je ne t’avais jamais quittée. Je t’aime fort. Et je t’ai toujours aimée. Ne l’oublie jamais.

Ton père.

Tag(s) : #Textes des auteurs
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