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J’ai la mémoire pleine de ces souvenirs d’antan qui paraissent si nombreux et si lointains qu’on les croirait vécus par quelqu’un d’autre, notre mère et même notre grand’mère ! Ces souvenirs me reviennent souvent la nuit où je me revois, petite fille, en jupe plissée multicolore, couettes et chemisier bleu manches ballon : je cours derrière un cerceau, suivie de notre chien Pimpin, en contrebas de la maison, juste au pied du ruisseau où le soir venu, on peut admirer tant de beaux crépuscules. Ma mère me met en garde en me criant de loin : « Amy, ma fille, ne t’approche pas trop de l’eau, le sol est glissant ! » Mais je n’ai cure de ses conseils, je cours et virevolte à la vitesse de l’éclair. Parfois, un papillon effleure le bout de mon nez, j’essaie de l’attraper, mais en vain, il a déjà disparu ! Mon grand-père, qui est un homme de tempérament, me fait des remontrances lorsque je rentre trop tard : petite échottée, dit-il dans son langage à lui, un jour il t’arrivera malheur. « Mais non, pépé, je connais la prairie par cœur ! Ne t’inquiète donc pas pour moi ! »

 

Soudain je me réveille, en laissant dans mon rêve les merveilles de la campagne. Je me retrouve 50 ans plus tard dans mon pyjama de pilou rose, mes cheveux blancs et mes raideurs matinales. « Marie », me chuchote Charles à l’oreille (Charles m’a toujours appelée Marie, bien que mon vrai nom soit Amy)  « tu as dû encore galoper dans les prairies cette nuit, tu as fait de ces bonds ! »Charles a l’habitude, une fois par nuit, je me retourne, me débats, fais des sauts en synchronie parfaite avec le déroulement de mon rêve. Il a même commencé un journal pour relater mes cabrioles et mes extravagances ! Ca s’appellera : Journal d’un corps de petite fille qui s’ébat la nuit dans la campagne.…Pauvre Charles ! Je suppose que mes bonds de cabri ne doivent pas lui plaire tous les jours, mais il est indulgent, il dit : priorité à la jeunesse, tu as bien le temps de rêver de choses plus sérieuses !

 

L’autre matin, j’ai lu par-dessus son épaule, il était en train d’écrire : « Toutes les femmes s’appellent Marie, mais la mienne est la plus jeune de toutes. Elle a dix ans, et se promène toutes les nuits dans sa campagne natale. Parfois, si je ne la retenais pas, je pense qu’elle tomberait carrément de son lit, j’imagine qu’à ce moment précis, elle doit sauter à la corde, courir derrière un lièvre, ou enjamber la rivière ! A son réveil, je l’interroge : alors, Mimi, quoi de neuf aujourd’hui ? Pour une fois, elle n’a pas rêvé de sa maison, elle était dans la pampa au milieu d’une horde de sauvages, voilà pourquoi je l’ai entendue crier : « ne me faites pas de mal, je suis juste venue voir si vos vaches ressemblent aux vaches de chez moi ! » Il a fallu que je la réveille, sinon elle finissait sa nuit sur le tapis…

 

Quand Charles a vu que je l’espionnais, il a refermé son journal et a déposé un baiser sur ma joue ; le jour se levait, une journée qui s ‘annonçait maussade avec de gros nuages noirs à l’horizon ; mais tout à coup, le ciel s ‘est déchiré tout doucement et a laissé entrevoir les lueurs dorées de l’aube. Et ce fut comme un soleil dans l’éclaircie de nos deux cœurs.

 

Tag(s) : #Textes des auteurs
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